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Analyse : L'Allemagne, une transition en question

victor

Bien qu’assurée sur le fil de la première place du groupe, l’Allemagne a vu sa maîtrise aller decrescendo au fil de ses trois matchs de poule. Le modèle de jeu rigide mais sensé de Nagelsmann se heurte à des limites individuelles, en même temps qu’il semble enfermer certains offensifs dans un carcan limitant.

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Nagelsmann loin d'être satisfait du comportement de son équipe dans cet Euro © IMAGO / Revierfoto

Comme du papier à musique

C’est une sensation dont on ne peut se départir après les premiers matchs de la Mannschaft : la précision horlogère de son animation offensive. Les Allemands appliquent la même disposition et récitent quasiment le même football à chaque action, dans une organisation définie et relativement rigide :

- Trois défenseurs centraux (Kroos – Tah – Rüdiger)

- Une pointe basse fixe face à eux (Andrich)

- Deux latéraux hyper larges (Kimmich – Mittelstädt)

- Quatre offensifs sur un petit espace, environ 15m (Wirtz – Gündogan – Musiala, et le 9 Havertz).

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L’inamovible 3-1-2-3-1 allemand face aux Hongrois.
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Le set-up de sortie de balle très positionnel des Allemands.

Bien que le modèle soit prévu, l’Allemagne ne se limite pas à une multiplication de passes courtes. À cet égard, deux aspects sont assez nets : D’abord la qualité du jeu long de Rüdiger et Tah, qui trouvent souvent la profondeur sans que leurs passes ne se désaxent trop, ni qu’elles soient trop longues.

Ensuite la fréquence et l’intensité des courses en profondeur offertes par les quatre offensifs. Comme vu dans notre analyse du jeu (pour le coup aux antipodes) de la Hongrie : un éventail large - mais tout de même limité - de solutions.

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Un mouvement bien mécanisé par les Allemands, l’ailier opposé au ballon qui attaque dans le dos de la défense.

Un jeu long et direct qui déséquilibre d’ailleurs l’Écosse très tôt, avec Rüdiger qui trouve Wirtz lancé.

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Le jeu long de l’Allemagne : l’ailier opposé au ballon (Wirtz) trouvé en jeu alors que Musiala décroche. Havertz envoie également un appel tranchant.
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Wirtz parvient à contrôler de la poitrine mais pas à finir.

En se présentant avec un bloc relativement haut, l’Écosse fait les frais de ce travail de sape, finissant par ouvrir un espace entre ses lignes, dans lequel Wirtz porte le premier coup fatal, compromettant largement l’approche réactive des hommes de S. Clarke.

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Trouvé par Kroos en diagonale, Kimmich s’oriente de façon à faire croire à un centre profond. Les appels de Gundogan et Musiala font reculer la défense. Wirtz sait où il doit aller et se propose entrée de surface.
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Kimmich pivote, pour s’orienter idéalement pour la passe pour Wirtz, qui a de l’espace pour finir.
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Avec la bonne puissance, le crack allemand finit remarquablement en réussissant à croiser, tout en faisant croire à une frappe premier poteau.

Un but qui fait suite à cinq minutes sans la moindre passe réussie par les coéquipiers de McGinn et Robertson, témoin d’une domination totale, axée sur une phase offensive ultra-préparée et travaillée.

"Faire" vaut mieux que "savoir quoi faire"

Forcément, pour installer une domination aussi totale, les hommes de Nagelsmann se devaient d’être tout aussi irréprochables en possession que sur leur comportement à la perte et donc avant la perte, ce qui motivait cette structure rigide.

Leur seconde sortie face à la Hongrie porte le sceau d’un match déjà bien moins survolé.

Opposé à un bloc plus bas, les coéquipiers de Kroos vont garder la maitrise du cuir et du territoire, mais peiner à imprimer le rythme entrevu face aux Écossais. Avec un plan cohérent, ils finissent par punir la passivité et la réactivité du 5-4-1 Hongrois.

Cela dit, lorsque que l’on examine les moments de flottement, on s’aperçoit que c’est surtout la phase de transition défensive qui pèche. Ce qui est relativement paradoxal, compte tenu du modèle de jeu ultra-prévu à cet égard de Nagelsmann, dans lequel chaque joueur a un cahier des charges très précis à la perte du ballon.

Les Allemands ont fait face à trois adversaires défendant en 5-4-1 dans cette poule, et on peut penser que le set-up entrevu dans cette phase de poule y est pour quelque chose. Nécessairement, avec cette sortie de balle en 3 + 1, chaque "défenseur" (Kroos – Tah – Rüdiger) a un joueur à fixer et (donc) à récupérer en cas de perte de balle (chaque attaquant du 5-2-[3] adverse), Andrich agissant quant à lui comme le joueur supplémentaire qui va permettre de créer une couverture et donner l’équilibre. 3+1 contre 3.

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La structure bâtie par Nagelsmann l’est aussi dans un but de sécurité à la perte. Chaque "central" a un attaquant référent à récupérer, et Andrich agit comme le "couvreur" (flèche verte). Si nécessaire, la tour de Xabi Alonso peut/doit aussi gérer l’un des deux relayeurs adverses (flèche violette), le temps que le reste de l’équipe vienne se joindre à la base de relance de la Mannschaft pour basculer vers la phase défensive.

Problème : tout cela n’est que pure théorie.

Le "qui fait quoi" ne vaut pas grand-chose si ce qui est fait en théorie n’est pas fait en réalité.

Et la notion de "récupérer" un joueur n’implique pas automatiquement que ce joueur va être neutralisé ou empêché de jouer vers l’avant.

C’est précisément le problème que va rencontrer l’Allemagne face aux Hongrois, dont le dynamisme offensif vaut autant en transition offensive qu’en attaque placée.

Illustration à la 14e minute sur un ballon vertical perdu :

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Après un premier appui, Kroos va chercher Musiala, entre les lignes d’un 5-4-1 plus bas que celui de l’Écosse.
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Après un contrôle raté, Kerkez se retrouve face au jeu. Neuf joueurs hongrois sur onze sont dans le premier quart du terrain. Pour autant, l’Allemagne ne "transite" pas dans l’équilibre.
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Le problème de l’Allemagne sur ces séquences de transition défensives basses : qui récupère qui ? Sallai, qui devient une sorte de relayeur gauche d’un 5-3-2 va être connecté dans trop de confort.
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Andrich vient cadrer l’attaquant Hongrois. Il l’empêche de se retourner, mais pas pour autant de garder le ballon en vie. D’un point de vue tactique, on remarque que le 6 allemand est seul face à trois joueurs (l’ailier gauche hongrois + les deux milieux axiaux, qui n’ont pas de référent individuel).
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Après un circuit fluide, Rüdiger va prendre en charge Varga, l’avant-centre Hongrois qui vient à son tour se proposer. Là encore, il le cadre, mais de façon trop passive, et n’arrive pas à l’empêcher de jouer vers l’avant. Sur le banc, Nagelsmann est hors de lui.
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Lancé par Varga, Kerkez a du temps pour ajuster. Andrich n’a pas réussi à se coordonner avec Rüdiger pour le contenir. Dans l’axe Sallai fait reculer Tah et Mittelstädt, et le latéral va trouver Szobo. Kroos, Gündogan et Wirtz sont totalement hors de position.
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Comme on le voit à sa réaction, et au léger temps d’arrêt marqué par Andrich, Rüdiger blâme quant à lui son collègue d’avoir tenté une interception, plutôt que d’accompagner la course de Kerkez. Pour l’Allemagne, le problème n’est pas tant la disposition que la (non) réalisation. Rüdiger fait face à Sallai et vient le cadrer, mais il est trop passif, trop dans le cadrage et pas assez dans l’intervention, et le Hongrois parvient à jouer vers l’avant.
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Un scénario qui se reproduit à la 28e minute avec Kroos dans le rôle du contre-presseur plus que passif. Kroos, dont la gestuelle semble incarner ce jeu statique, rate une passe à quatre mètres pour Mittelstädt. "Szobo" sent le coup et demande immédiatement à son latéral de le servir.
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Bolla part finalement en conduite, et on voit le plan allemand, avec chaque "défenseur" qui récupère son attaquant, y compris Kroos. Le langage corporel du madrilène – très tranquille – a de quoi interpeller.
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"Szobo" a tout le temps du monde pour retarder et ajuster une passe impeccable pour Bolla.
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Bolla a du temps pour ajuster Andrich, et lui mettre entre les jambes. Sallai sera à la réception du centre et verra sa frappe contrée.

Cadrer sans limiter : un excès de désengagement

L’écueil auquel se heurte pour l’instant l’Allemagne n’est pas tant tactique que technique : l’adversaire est pris en terme de schéma au moment où il récupère le ballon. Il l’est juste de façon trop passive par les relanceurs de la Mannschaft.

Face aux Suisses, l’histoire se répète sur l’ouverture du score : Opposés à un pressing plus fort que face aux Hongrois, mais plus orienté homme et plus agressif que face aux Écossais, les Allemands, bien qu’un peu plus tranchants avec ballon - vont en perdre quelques-uns – ce qui est inévitable – mais ce sont à nouveau les attitudes, individuelles, très passives et zonales, qui interpellent.

Cadrer un joueur sans intervenir est une chose, mais l’arrière garde allemande, à commencer par Rüdiger, abuse certainement de ce parti pris mesuré.

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Le setup habituel des Allemands face au pressing agressif et (quasi) individuel de la Nati : Logiquement, Tah doit aspirer Embolo, Kroos doit aspirer Rieder et Rüdiger doit aspirer Ndoye, alors qu’Andrich est pris par Xhaka. Chacun devra récupérer son adversaire direct en cas de perte sur une passe courte, avec les portes de sortie Mittelstädt et Kimmich qui, quant à elle, devront apporter une couverture.

À nouveau, la dimension symétrique et positionnelle du jeu allemand est criante dans la distribution de Toni Kroos, au langage corporel plus appliqué et moins relâché que dans l’animation offensive fluide et mobile du Real. Ballon perdu à la faveur d’une prise à deux avec Rieder, alors que Musiala est durement tamponné par Freuler.

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La suite confirme l’excès de passivité entrevu sur les temps forts des Hongrois :

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Rieder part en conduite. Alors que Kroos est déjà éliminé, et peu réactif, un Back3 de fortune Rüdiger – Andrich – Tah se met en place. Et se comporte correctement. On le voit à l’orientation de Tah (qui contrôle Embolo) et de Rüdiger, qui se tient prêt à couvrir Andrich. Le contre est sclérosé dans un premier temps, alors que Kimmich fait son devoir en resserrant.
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Rieder joue Ndoye dans les pieds. Il est récupéré par Kimmich. Le plus important : le Suisse a perdu sa vitesse. Il va tenter une talonnade pour Rieder.

La transition défensive de l’Allemagne fonctionne, mais encore une fois, c’est plus l’application technique que la stratégie tactique qui va poser problème.

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De façon un peu heureuse, après une talonnade que Kimmich ne peut que toucher, Rieder va se retrouver face au jeu. Tah indique vivement à Rüdiger de récupérer le marquage du remuant Freuler.
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À nouveau, c’est la distance de cadrage de Rüdiger qui interpelle : prévenu en amont, l’Allemand n’est pas assez au contact de Freuler pour l’empêcher de trouver cet angle de centre qui va faire mouche.

Micro-tactique et diplomatie : quelle marge de manœuvre pour Nagelsmann ?

L’Allemagne est aujourd’hui dans un relatif doute, à l’approche des 1/8e. Bousculé par son vestiaire au Bayern, en dépit d’un travail tactique remarquable, Nagelsmann – on ne se refait pas – conserve une dimension "détails", et basée sur l’adversaire dans son approche. En témoigne la défense à 3 Rüdiger – Andrich – Tah que les Allemands ont déployé en phase défensive face aux Suisses.

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Trouvé dans le dos en une touche face au back3 expérimental des Allemands, Ndoye croise et manque de marquer le 2-0 face à un Neuer archi-battu
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Quelle marge de manœuvre le technicien de 36 ans possède-t-il pour redresser la barre, au moment de recadrer un Kroos ou un Rüdiger s’il estime que ses instructions ne sont pas suivies avec assez d’investissement par des Allemands qui ont prouvé leur intégrabilité tant en sélection qu’en club ces dernières années ? Le prochain match, où la Mannschaft devra faire sans Tah (qui fera donc changer de côté à Rüdiger avec la probable promotion de Schlotterbeck) nous le dira.

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