Ce tournoi est synonyme de changement culturel, selon Tatjana Hänni
Tatjana Haenni (58 ans) a été une figure importante de la candidature suisse à l'organisation de l'Euro dames 2025. La Bernoise, ancienne directrice du football féminin à l'ASF, travaille depuis début 2023 pour la Ligue professionnelle américaine, qu'elle quittera en fin d'année. Elle s'est confiée à Keystone-ATS.
Avant la candidature, vous aviez dit que le fooball féminin ferait en Suisse, grâce à l'organisation de l'Euro, en deux ans des progrès qui en demanderaient normalement dix. Est-ce que cela s'est vérifié ?
"Si on regarde combien les villes et les cantons ont mis d'argent dans le football féminin, non seulement avec les projets d'héritage, mais aussi avec des postes pour l'encouragement et le soutien au football féminin, on voit que cela a été payant. Je l'ai toujours dit: ce tournoi n'est pas qu'une question purement sportive, c'est aussi une question de changement culturel."
Pouvez-vous préciser votre pensée ?
"Depuis le début, notre objectif était d'avoir un tournoi dont tous les matches se joueraient à guichets fermés. Jusqu'ici, 80% des billets ont été vendus. Il y a une grosse euphorie. Jamais encore autant de fans de pays différents n'ont voyagé à un Euro pour soutenir leur équipe. Cet Euro constitue un changement de conscience, à tous les niveaux. Aujourd'hui, le thème du football féminin est incontournable. De grandes sociétés sont devenues des sponsors. Tout ceci ne serait pas arrivé si la Suisse n'avait pas obtenu l'organisation du tournoi."
Cet engouement va-t-il se poursuivre après cet Euro ?
"L'intérêt retombe naturellement un peu après un tel tournoi. Cela a été le cas après les éditions précédentes. Mais il y a de gros progrès dans tous les autres domaines, par exemple si on regarde le nombre de filles qui jouent au football. Il y a une différence énorme. Avant, on notait une augmentation régulière chaque année. Mais grâce à l'Euro, cela a littéralement explosé. Et cela ne va pas retomber. Il y aura vraiment un avant et un après Euro pour le football féminin en Suisse, et c'est ce qui est décisif."
Vous êtes directrice sportive de la Ligue professionnelle américaine NWSL jusqu'au terme de l'année. Comment le football féminin est-il "vendu" aux Etats-Unis ?
"En deux ans et demi ici, j'ai beaucoup appris en ce qui concerne la commercialisation. C'est impressionnant de voir ce que la Ligue et les clubs investissent et parviennent à attirer les gens dans les stades, à les faire revenir et à acheter des maillots et autres articles destinés aux fans. Et c'est tout aussi impressionnant de constater comme les enfants, filles et garçons, parviennent à créer un lien avec les équipes."
Où en est l'équipe de Suisse ?
"On a un peu pris du retard. Après la génération dorée des Lara Dickenmann, Ramona Bachmann et Martina Moser, nous nous sommes qualifiées de justesse pour l'Euro 2022 et la Coupe du monde 2023. Nous avons eu durant ces dernières années de la chance lors des tirages au sort, comme cette fois encore pour notre Euro. Sur le plan européen, nous nous situons entre le 12e et le 20e rang. Nous ne sommes pas une nation de pointe, c'est la réalité."
Qu'est-ce que l'équipe de Pia Sundhage peut réussir durant le tournoi ?
"J'espère qu'elle se qualifiera pour les quarts de finale, ce qui est possible dans son groupe. Mais un scénario du pire, avec zéro point, ne peut pas être écarté. Je souhaite évidemment que cela ne se produise pas."
Pourquoi cette prudence ?
"L'équipe a quelques bonnes jeunes joueuses. Mais je pense que le tournoi arrive un peu tôt. L'équipe est en reconstruction. Il est cependant clair que si les Suissesses prennent un bon départ et gagnent leur groupe, je serai la première à tirer mon chapeau et à danser dans la tribune. Mais je ne veux pas avoir des attentes trop élevées."