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EXCL - Dimitry Bertaud (Montpellier Hérault) : « J’ai les dents qui rayent le parquet ! »

Sacha

En exclusivité pour Sky Sport CH, le gardien du Montpellier Hérault et international de la République Démocratique du Congo, s’est confié sur son état d’esprit, ses envies et sa vision du football.

DIMITRY BERTAUD
Le gardien montpelliérain est prêt pour un nouveau défi - IMAGO / PsnewZ

Comment vas-tu ?

DB : « Je vais bien, j’ai la santé, la famille va bien… J’essaie d’être positif, mais c’est sûr que, sur le plan professionnel, la situation est triste et pas facile à vivre. »

Lorsque tu es en dehors du club, est-ce que les résultats du MHSC ont une incidence directe sur ton moral ?

DB : « Pas vraiment… Même si ce sont des sujets que j’aime aborder avec ma femme. J’essaie vraiment de faire abstraction du contexte quand je suis à la maison. J’essaie de garder la tête haute, d’être joyeux. Je me dis que mon fils est en bonne santé… »

On ne se met jamais vraiment à ta place. Celle d’un gardien qui doit assumer le rôle de remplaçant dans une équipe en souffrance. Mentalement, comment gères-tu cela ?

DB : « Je suis dans cette position depuis quelque temps déjà… Je me dis simplement que je dois travailler comme si j’allais jouer le week-end, me concentrer sur les tâches qui me sont assignées, travailler pendant la semaine, rester positif, et le jour où on fait appel à moi, je dois être performant. Ce qui est difficile, c’est d’être jugé sur une ou deux prestations par saison, alors que les gardiens titulaires, même s’ils font des contre-performances, peuvent enchaîner et effacer les critiques. C’est là qu’intervient la part mentale de mon job : même si je suis en fin de contrat et qu’on va bientôt être relégué, je continue à travailler pour être prêt en vue de la saison prochaine. »

Tu es en fin de contrat. Est-ce que tu as fait le tour à Montpellier ?

DB : « J’aurais aimé vivre d’autres choses avec le MHSC, il y a eu des étapes. À un moment de mon aventure montpelliéraine, je me suis blessé au mauvais moment. Lorsque le gardien suisse Jonas Omlin était sur le départ lors d’un mercato d’été, j’aurais dû avoir ma chance. Au final, il n’est pas parti, et je me suis blessé à la mi-août. Il est parti en décembre, j’étais encore blessé… En fait, j’ai loupé la fenêtre de tir. Résultat : la direction a recruté Benjamin Lecomte pour quatre ans. J’avais fait les prestations qu’il fallait lorsqu’on m’avait titularisé, mais j’avais loupé l’opportunité… C’est ça qui m’a mis un coup. J’ai dû me concentrer sur ma rééducation pour revenir à mon meilleur niveau. Puis, bloqué par Benjamin qui avait signé pour quatre ans, j’attendais… toujours à la disposition du club. Cela a énormément joué sur mon moral. Mais maintenant que je suis en fin de contrat, qu’on arrive à un mois de la fin du championnat, et que je n’ai eu aucune discussion avec la direction, je travaille comme s’il fallait trouver une autre option. »

Est-ce que tu te projettes encore avec le MHSC ?

DB : « J’ai toujours eu une bonne relation avec tout le club, du président aux intendants. Après… cela fait treize ans que j’y suis. Quand même. L’idée d’aller voir ailleurs et de vivre autre chose m’attire. Est-ce que j’attends qu’ils viennent me voir ? Ce sont eux les patrons… Mais après treize ans passés ici, en étant formé au club, c’est sûr qu’à un mois de la fin de mon contrat, j’aimerais savoir comment me positionner ! Si le club vient me voir en me disant “Écoute Dimitry, Benjamin Lecomte va peut-être partir, on va voir ce qu’on fait”, ou même “On ne compte pas sur toi”, je serai libéré et je saurai comment m’orienter. J’attends les offres… Je vais bientôt avoir 27 ans, et j’ai envie de jouer et de voir autre chose. »

As-tu déjà défini ce que tu voulais comme type d’opportunités ?

DB : « Non. J’ai passé treize ans dans ma ville, là où je suis né, avec tous mes amis, toute ma famille. Je ne suis donc pas du tout fermé à l’idée de changer de pays. En termes de destination, je n’ai aucun objectif précis. Il me faut juste un projet sportif attrayant, et forcément, que je m’y retrouve aussi financièrement… La destination importe peu. »

Les gardiens sont réputés comme des joueurs différents. As-tu aussi ce ressenti ?

DB : « Bien sûr ! On a notre propre entraîneur, on travaille entre gardiens, on nous demande d’être performants mais aussi d’écouter, de diriger l’équipe… En étant le dernier rempart, on assume plusieurs casquettes et de nombreuses responsabilités. J’aime ça. Un gardien doit rassurer, communiquer, corriger les erreurs de placement pour éviter les buts… Notre poste est particulier, surtout maintenant qu’on nous demande aussi d’améliorer notre jeu au pied. Nous, on utilise les mains, on ne fait pas les mêmes choses que les autres… »

Est-ce qu’un joueur de champ t’a déjà fait ressentir que tu étais différent sur le terrain ?

DB : « Nous, le matin, on se lève pour aller se jeter par terre sur un terrain en herbe. Qu’il fasse beau, qu’il pleuve ou qu’il neige… au final, on termine par terre tous les jours. Et ça, ils ont du mal à le comprendre. Beaucoup me disent qu’ils ne pourraient pas faire ça. »

Tu as toujours voulu devenir gardien de but ?

DB : « Dans mon petit club de village, je n’ai pas commencé gardien. J’ai commencé à ce poste à l’âge de 10 ans. Il manquait un gardien, j’ai essayé, ça m’a plu. Mon père m’a aussi expliqué que je n’aimais pas les changements quand j’étais enfant. Du coup, j’ai choisi ce poste car c’était le seul où tu restais sur le terrain tout le match. Peu à peu, j’ai préféré rester entre les poteaux. »

Enfant, cela ne t’ennuyait pas de rester dans les buts à ne rien faire pendant que les autres couraient pour marquer ?

DB : « Non, ça allait ! J’ai toujours été quelqu’un d’assez calme et posé. »

Parlons de la République Démocratique du Congo, avec qui tu as joué douze matches, dont dix officiels. La sélection a vraiment évolué positivement ces dernières années… Est-ce un changement que tu avais vu venir ?

DB : « Avant de faire mes débuts avec la RDC, je ne m’étais jamais vraiment intéressé à la sélection. C’était dans un coin de ma tête, mais je ne regardais pas les matches. En parlant avec les joueurs déjà en sélection, ils m’ont rassuré et expliqué que c’était beaucoup plus structuré et professionnel qu’avant. Depuis mes débuts en octobre 2023, je n’ai rien à redire. En fait, c’est exactement comme dans un club. »

Tu as aussi vécu la fameuse CAN 2024…

DB : « La CAN des émotions ! C’était incroyable. On a fait un parcours fantastique jusqu’en demi-finale. Après, cela se joue sur des détails… Mais humainement, ce qu’on a vécu ensemble était tellement enrichissant. Mémorable. »

Tu sens que le football africain est en train de progresser ?

DB : « Vraiment. C’est grâce aux excellents joueurs évoluant dans les plus grands clubs d’Europe que les sélections africaines grandissent. Comme le Maroc lors de la dernière Coupe du Monde au Qatar. Chaque équipe élève son niveau et se structure. On va dans le bon sens. »

Tu penses que ce sont tes prestations avec la RDC qui pourraient donner envie à un club de te signer ?

DB : « Peut-être ! La sélection m’a donné un grand bol d’air. Quand tu ne joues pas en club, ça te change les idées. Et maintenant que je suis titulaire avec la RDC, j’ai beaucoup plus de responsabilités. Sur les douze matches que j’ai joués, seuls deux étaient des amicaux. Et sur les dix autres, je n’ai encaissé aucun but. J’espère que cette dynamique va continuer… »

La différence entre ce que tu vis avec la RDC et ta situation à Montpellier est particulière, non ?

DB : « Oui, ce n’est pas simple… D’un côté, ça me fait beaucoup de bien d’y aller, car je côtoie d’autres personnes, les résultats sont positifs, la dynamique est bonne. Mais de l’autre, je sais que deux semaines plus tard, je rentre dans un club où je ne joue pas, et où la saison est mauvaise… Ce changement d’ambiance est assez étrange. »

Comment vis-tu cette sensation d’être dans l’attente ? Ce rôle de numéro 2 où tu dois presque espérer une défaillance pour avoir ta chance ?

DB : « Ce n’est pas facile… Comme je l’ai dit au début, c’est surtout une gestion mentale. Je ne dois rien lâcher, continuer à travailler comme si je jouais chaque week-end pour être performant le jour J. Ce qui est dur, c’est de savoir que je n’aurai qu’un ou deux matches. Si je passe à côté, les gens retiendront seulement ça. Alors que je sais que j’ai le niveau. J’ai confiance en moi. Je dois faire face au regard du club, du public… Et ce dernier ne comprend pas qu’il est difficile d’enchaîner après deux mois sans jouer. Les gardiens titulaires peuvent se louper un voire deux matches. Ils auront encore la confiance du staff. »

Tu entraînes ton mental pour pouvoir accepter la situation ?

DB : « J’en parle avec ma femme, mes parents, mes amis… Ça m’aide à tenir. Après, c’est aussi une question d’orgueil. C’est de l’ego. Je ne peux pas entrer sur un terrain sans envie. Ce n’est pas possible. À chaque fois que je suis aligné, je donne le maximum pour rendre une copie propre. C’est une question d’honneur. Pour ne pas entendre du mal sur moi, et surtout, pour pouvoir me dire que j’ai tout donné. Je me remets en question en permanence, même s’il y a des périodes plus faciles que d’autres… »

D’où l’importance d’être soutenu par ton entourage ?

DB : « Exactement. »

Alors, comment conçois-tu ton métier ? Être footballeur devient-il un travail ?

DB : « Je ne pense pas… J’ai toujours été un grand passionné. Je suis conscient de ma chance. On ne se lève pas tous les matins pour aller à l’usine. Je fais le plus beau métier du monde. Il faut juste accepter l’immense part mentale de notre métier. Quand ça va bien, je dois être régulier. Quand ça va mal, et que je ne joue pas, je dois rester positif et continuer à aimer ce que je fais. En espérant qu’à un moment, tout ce travail, le fait de ne pas avoir lâché… finisse par payer ! »

Auras-tu des regrets à la fin de la saison ?

DB : « Cela fait déjà quelques années qu’avec Montpellier, on termine mal le championnat, on est toujours à la limite… Mais être largué avec quinze points de retard sur le premier non-relégable, ça, je ne l’imaginais pas… »

Tu seras libre dès le 30 juin prochain… Si un club signe Dimitry Bertaud, il doit s’attendre à quoi ?

DB : « Je suis un gardien qui se lance dans un nouveau projet pour avoir du temps de jeu. J’ai les dents qui rayent le parquet, j’ai faim, et je suis plein d’envie. Je suis positif, j’ai envie de vivre, et je suis déterminé. À bientôt 27 ans, je veux vraiment lancer ma carrière en enchaînant 35 matches et vivre des saisons complètes dans une équipe où j’aurai un rôle important, ou tout simplement, où je pourrai enfin montrer ce que je vaux. Malgré le peu de matches ces dernières années, j’ai acquis un niveau intéressant. Ce que je fais avec la RDC prouve que j’ai le niveau. Dans le foot, il y a toujours une part de chance. Je veux la saisir. »

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