Francfort, ça balance bien mal
La 7e place de l'Eintracht en Bundesliga, à un point des places européennes, n'est pas infamante. Mais, s'il affiche la 3e meilleure attaque du championnat derrière le Bayern et le Bayer, il présente aussi la 2e plus mauvaise défense derrière Heidenheim. Le déséquilibre est flagrant.
Le contraste, évidemment, est saisissant. La saison dernière, l'Eintracht enchantait la Bundesliga, avec Omar Marmoush d'abord, avec Hugo Ekitiké ensuite. Troisième du classement final, la troupe de Dino Toppmöller, dont le crédit était alors au plus haut, s'était qualifiée sans contestation possible pour la Ligue des champions 2025-2026, devançant Dortmund, Leipzig ou encore Stuttgart grâce à un jeu séduisant et efficace. Si, cette saison, le classement du SGE demeure acceptable – hormis Hoffenheim, les clubs qui le précèdent sont des poids lourds –, son déséquilibre béant dans le jeu ne se résorbe pas. L'Eintracht marque beaucoup mais encaisse tout autant. 4 buts contre Union Berlin, 4 buts contre Gladbach, 5 buts contre l'Atletico, 5 buts contre Liverpool, 6 buts contre Leipzig – liste non exhaustive.
Les chiffres seuls ne disent pas la profondeur du mal, qui relèverait pratiquement d'une crise d'identité. Les spectateurs, autant que les joueurs, sont animés d'une certaine frustration. « Il manque quelque chose en matière d'émotions et d'engagement », lâchait le portier Michael Zetterer début décembre dans les colonnes de l'hebdomadaire Sport Bild. Les raclées administrées par les grosses écuries de la Ligue des champions ont viscéralement entamé la confiance des joueurs et d'un club dont les nuits européennes magiques font partie de l'ADN. Pire, la prestation livide, dans leur propre stade, des coéquipiers de Mario Götze face à l'Atalanta, fin novembre (0-3), a foncièrement perturbé le club tout entier, comme déboussolé.
Burkardt et Uzun au tapis
Comme souvent dans pareil cas, cette déficience psychologique ne va pas sans balafres physiques. Alors que, depuis des années, le secteur offensif de l'Eintracht, d'Ante Rebic à Randal Kolo Muani en passant par Andre Silva, carbure à plein régime, la recrue phare de l'été, le meilleur buteur allemand de la saison passée Jonathan Burkardt (18 buts avec Mayence), s'est retrouvé rapidement sur le flanc, sévèrement touché au mollet, et avec lui le prometteur milieu offensif Can Uzun. Sans l'avant-centre international de 25 ans, en particulier, le secteur est déplumé, même si ses coéquipiers trouvent des solutions offensives. Des passes élémentaires n'arrivent pas et, à la perte du ballon, les joueurs sont beaucoup trop loin de l'adversaire. Une attitude bien peu dans la mentalité locale, doublée d'un manque de courage, qui interpelle le fervent public du Deutsche Bank Park.
Adossé à un copieux crédit auprès de ses dirigeants en raison de ses réussites de naguère, Dino Toppmöller n'est pas parvenu, jusqu'ici, cette saison, à redonner vie à sa troupe, dont le manque d'énergie saute aux yeux. L'Aigle dort et n'a pas retrouvé, pour l'instant, sa fiole de jouvence. Dans le légendaire jeu vidéo de Louis-Marie Rocques, dont l'action se déroule elle aussi aux confins de la Westphalie, la chemise du héros présenté sur la jaquette est déchirée et maculée de sang. Les joueurs de Toppmöller ne semblent pas prêts, individuellement et collectivement, à consentir les mêmes efforts. Le personnage de Loriciels est menacé par un fantôme, ceux de l'Eintracht peinent à se libérer des leurs eux aussi. Leurs choix, comme ceux de leur coach, sont frileux, y compris contre des mal classés.
Internationaux défaillants
Pourtant, le club dispose théoriquement du matériel pour combler les carences dues aux diverses absences. Les Götze, Dahoud, Koch, voire Theate ou Knauff n'assument guère leur potentiel de leader, ce qui agace profondément en interne. Et leur entraîneur n'accorde pas à tous la même dose de confiance. Tandis que les observateurs focalisent sur les deux extrêmes du terrain, la défense en tuffeau et l'attaque en carton, un autre chantier demeure en plan : le milieu défensif axial, souvent moteur dans la carburation d'une équipe. Ici, personne ne sort du lot, à l'image d'Ellyes Skhiri, auteur d'une saison perturbée.
Offensivement, les déboires de Burkardt s'accompagnent des prestations fantomatiques – on y revient – d'Elye Wahi et du terrible manque de constance et de percussion de Michy Batshuayi. Toppmöller ne compte pas, ou plus, sur eux et, de ce fait, envoie à ses dirigeants le signal d'un besoin de renfort. Mais en allant jusqu'à se passer parfois totalement de tout attaquant de métier, le coach invite aussi l'adversaire à la confiance au moment de défendre face à des flèches en caoutchouc. Si ses choix peuvent se défendre tactiquement, sa gestion humaine pose question. Dès janvier, la situation sportive de l'Eintracht donnera des indications radicales sur l'avenir proche de son coach et de sa troupe : Dortmund (2e), Stuttgart (6e), Hoffenheim (5e) et Leverkusen (3e) se présentent successivement en Bundesliga. À Toppmöller et ses joueurs de trouver des solutions, sans quoi l'édifice tout entier sera fragilisé.