Kasper Hjulmand, le trésor du Bayer
Troisième de Bundesliga – son meilleur classement de la saison – à la faveur de sa victoire à Leipzig, le Bayer doit dans une large mesure sa renaissance à l'humanisme, aux valeurs et à l'expérience de son entraîneur danois.
Quand Morten Olsen parle, on l'écoute. La légende du football danois, centenaire en sélections et coach de l'équipe nationale pendant plus de 15 ans, n'a pas peur de traiter le cirque du football de monde en toc. Parmi ceux qui trouvent grâce à ses yeux, son successeur Kasper Hjulmand occupe assurément une bonne place. « De nombreux entraîneurs se donnent énormément de mal pour se mettre en scène, pour attirer l'attention ; Hjulmand est à contre-courant de cette tendance », écrit Olsen dans sa préface de la biographie de son cadet, citée par le bi-hebdomadaire kicker. « Il ne porte pas de masque et demeure fidèle à lui-même. De ce point de vue, il est démodé. Et c'est pour cela que je l'admire. » Nul doute que les joueurs du Bayer, que dirige Hjulmand depuis septembre, lui en savent gré. Et que cette forme d'humanisme les tire vers le haut.
Jamais le vice-champion d'Allemagne n'était apparu si haut dans le classement, justement, cette saison, qu'à l'heure de la trêve. Hjulmand affiche, depuis son arrivée au bord du Rhin, un bilan remarquable, nonobstant un léger trou d'air début décembre, embelli de faits d'armes telle l'éclatante victoire à Manchester contre le City de Josep Guardiola (2-0), cet automne, en Ligue des champions. Dès son arrivée, il tordait l'Eintracht (3-1). Certainement ses compétences technico-tactiques y sont-elles pour quelque chose : il n'aurait pas mené Nordsjaelland au titre dès sa première saison comme entraîneur principal, en 2011-2012, sans elles. Le quinquagénaire passe pour être d'un professionnalisme extrême, pour quelqu'un qui anticipe tous les scénarios et qui développe des idées nouvelles. Mais son talent de technicien est subsumé par ses compétences humaines, moins répandues chez ses pairs.
Homme de science
Pour Hjulmand, le football est plus qu'un sport ; il l'envisage en tant que société, au sein de laquelle le terrain et les joueurs forment un seul et même écosystème avec les spectateurs dans le stade. À son arrivée à la tête de la sélection, en 2020, il avait échangé avec diverses personnalités de la société danoise, du monde de la culture ou de la politique, afin de mieux embrasser le concept national, que la sélection devait, selon lui, refléter. Le natif d'Aalborg a étudié la science du sport à la faculté de Copenhague, de même que le management du sport à celle de Jacksonville, en Floride. Il mélange l'intellect et l'émotion avec brio, comme il l'a montré à l'occasion de la crise cardiaque de Christian Eriksen, en 2021. Hjulmand est un brillant psychologue, un maître de l'empathie.
Jürgen Klopp et Barack Obama font partie de ses inspirations en matière de leadership. « J'estime ceux qui ne jouent pas de théâtre et qui croient en quelque chose », assène-t-il, accordant un intérêt particulier aux valeurs de fiabilité, d'honnêteté, d'ouverture et de respect. Demi-finaliste de l'Euro 2021, Hjulmand est allé au Qatar à reculons pour le Mondial qui suivit, non sans manifester sa désapprobation vis-à-vis d'un tournoi en hiver dans un pays bafouant les droits de l'homme. Le Danemark a rapidement quitté les lieux, éliminé dès les poules. De nouveau en échec relatif en Allemagne deux ans plus tard – trois nuls et une élimination très discutée en huitièmes contre la Mannschaft –, Hjulmand s'est retiré de la sélection, son mariage en miettes pour ne rien arranger. « Je ne suis pas habitué à la lumière des projecteurs », analyse-t-il. « Je suis plus introverti que les gens ne pensent. L'attention me pèse. »
Principal concurrent du Bayern
Moins la fidélité à ses principes, donc, qui lui a coûté son poste à Mayence, où il a voulu transformer, en 2014, l'équipe de pressing de Klopp et Tuchel en équipe de possession. Trop radical pour une direction qui, pourtant, a du flair, mais qui a alors estimé le risque d'accident trop grand. À Leverkusen, la matière première à sa disposition est évidemment plus riche et l'équipe se découvre comme l'un des principaux concurrents du Bayern, sinon le principal. Et ce, alors que le chantier estival, après le départ des Wirtz, Tah, Xhaka, Hradecky et autre Frimpong, s'annonçait gigantesque. Hjulmand a su former un collectif dont il émane, les visages en témoignent, une volonté de réussir ensemble.
« Reconstruire avec l'argent du transfert de Florian Wirtz une équipe apte à remporter des trophées est notre objectif », déclarait le directeur sportif Simon Rolfes il y a six mois. Elle a au moins retrouvé stabilité et capacité à dominer les rencontres tout en intégrant les jeunes pousses, dont Montrell Culbreath, buteur dès son premier match de Bundesliga, à Leipzig, est la dernière manifestation en date. Dès la saison prochaine, le Bayer veut jouer le titre et Hjulmand l'assume. Surmontés avec détermination, les quelques revers essuyés depuis l'arrivée du Danois – notamment le 2-7 contre le Paris Saint-Germain – n'ont pas entamé l'appétit de sa troupe, dont le mental s'appuie sur la sérénité du coach. Des éléments comme Ibrahim Maza, Ernest Poku ou Axel Tape s'affirment aux côtés des tauliers tels Robert Andrich ou Lucas Vazquez et, globalement, les recrues, à l'exception d'Eliesse Ben Seghir, ont trouvé leur place. Rendez-vous le 10 janvier contre Stuttgart pour en apporter une nouvelle confirmation.