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Analyse Football

Analyse tactique : La Hongrie ou l'ambassadeur européen du jeu relationnel

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C'est un obstacle de taille qui se dresse sur le chemin d'une Nati privée de certitude défensive : L'équipe d'Europe centrale qui joue le football de Rio de Janeiro. Sans doute l'une des attractions de cet Euro.

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Quelle surprise va nous réserver le sélectionneur hongrois Marco Rossi pour cet Euro? © IMAGO / Eibner

Après des années où le point de repère pour l'équipe qui attaque était la position sur le terrain incluant les joueurs dans des structures relativement rigides, la Hongrie de Marco Rossi s'épanouit avec fluidité autour d'une toute autre référence : le ballon.

Position vs Relation

Bien des thèses ont fleuri sur la standardisation du jeu de position. Comme les modes sont cycliques, et les certitudes fragiles en sport, les dernières années ont vu émerger un football différent. Moins symétrique, plus dynamique, et peut-être moins prévisible. Dans une configuration où l’on formalise, et analyse, même ce qui tente d’échapper à la machine rationnelle, indissociable de l’exercice du commentaire – et on laissera volontiers le lecteur pointer du doigt l’absurdité de cette démarche – une terminologie a émergé pour qualifier ce style de jeu : On parle de "relationnisme" ou de "jeu relationnel", par opposition au "jeu positionnel".

La Hongrie de Marco Rossi s’inscrit dans cette dynamique, et semble être le porte-étendard européen de ce style fortement lié au Brésil, à travers son histoire, mais également son présent, avec le Fluminense de Fernando Diniz.

Les récents adeptes de ce "nouveau" style offensif ne manquent pas : Arsenal, l’Ajax de Ten Hag, l’Atalanta, et plus récemment le Bologne de Thiago Motta, ou tout simplement le Real Madrid, sont parmi les ambassadeurs de ce football moins régulier.

Mouvements variés et multiples dimensions

Comme nous l’avions vu il y a quelques semaines en nous penchant sur Arsenal, "relationnel" rime logiquement avec "rotationnel".

En allant chercher des positions moins attendues, les premiers relanceurs hongrois se donnent la possibilité de jouer vers l’avant en perturbant les repères défensifs (tel homme dans tel espace) de l’adversaire. En même temps qu’ils sont libres dans leurs mouvements (et donc libres d’occuper la même zone, et d’aller vers le ballon), chaque mouvement en implique un autre.

Le premier qu’on peut identifier est celui de Styles, habitué à former avec Nagy un double pivot polymorphe. Le milieu Anglais (d’origine hongroise), s’intègre souvent à la défense à trois, dans un rôle de central gauche, "poussant" ainsi souvent les deux centraux vers des rôles de quasi-latéraux. Ce qui a forcément une implication pour les pistons hongrois.

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Sortie de balle Hongroise face à la Grèce : Styles "pousse" A. Szalai et Botka vers des positions de quasi-latéraux.

Ce qui est particulièrement intéressant : la conséquence de cette position très au large des centraux peut provoquer à la fois un surnombre sur un tout petit périmètre (tu viens là, et moi aussi), et une attaque de la dernière ligne, dans une logique plus positionnelle (si tu viens ici, je vais là-bas).

Face à la Serbie à Budapest, sur les deux buts, la déportation de Fiola (central droit) dans une zone très large à droite, pousse naturellement Négo (latéral droit) à attaquer la dernière ligne adverse.

La proposition collective se répètera sur les deux buts, mais pas le choix du porteur de balle (Fiola) : sur le premier on joue "court" dans les pieds, (voir ci-dessous), sur le second on joue plutôt long et en profondeur.

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L’ouverture du score Hongroise face à la Serbie : Alors que Fiola est décalé dans une position très large, Négo (latéral) attaque le but adverse. C’est l’avant-centre qui vient demander le ballon dans les pieds, alors que la dernière ligne slave est dans l’expectative, la profondeur étant toujours trouvable.
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Sallai finira habilement alors que "Szobo" proposait aussi une ligne de passe. On peut noter que c'est l’avant-centre (supposément le joueur le plus haut) qui est servi dans pieds au début de l'action. Ce qui donne un léger temps de retard au central. Difficile pour l’adversaire de préétablir une mécanique défensive avec des repères à la fois individuels et spatiaux face à tant de possibilités.
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Les positions moyennes des Hongrois avec l’éphémère décrocheur Sallai (#20) joueur le plus haut, si ce n’est par rapport à Nego très plongeant.

Le second but donnera lieu à une connexion directe Fiola -> Nego dans la même configuration. Le Havrais, lancé en profondeur, centrant dans la précarité pour Sallai, qui réglera par son talent et son instinct les problèmes géométriques causés par ses attaquants, plus ou moins sur la même ligne horizontale.

On peut voir, avec certains temps de jeu du match aller à Belgrade, la multiplicité des options offertes par Nego et Kerkaz, sur le papier duo de pistons.

Cette fois-ci, le havrais va souvent venir au contact du porteur – en somme "aller au ballon", (sacrilège dans une perspective "jeu de position") pour créer ce fameux surnombre, (avec les deux 6 Nagy et Styles dans la même zone), de sorte que l’un des membres de ce petit groupe soit libéré, l’autre latéral (Kerkez) se lançant quant à lui vers le but, quitte à être hors-jeu.

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Lang (central droit) sert Nego dans les pieds. On voit l’attitude explicite du double pivot Nagy – Styles qui vient au ballon.
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Après un redoublement de passe, c’est Nagy qui est libéré. On note que trois Serbes ont été attirés dans cette zone, sans quoi l’un des Hongrois présents aurait sollicité directement la profondeur (ou au moins les attaquants).
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Cette "libération" en schéma : on voit que le quatuor DCD – ArD – MCD – MCG, en se contractant, libère un joueur, alors que la dernière ligne adverse est bien menacée, avec de multiples options pour Nagy

Comme le dit Caio Miguel Pontes (@osegundovolante) le jeu relationnel vise un idéal de solutions illimitées, là où même le plus sophistiqué des jeux positionnels vise à créer un éventails (limité) de solution.

Après avoir logiquement fait reculer ce bloc fendu, on remarque que Sallai passe d’un registre d’ailier intérieur (ci-dessus) qui demande dans les pieds, à un appel extérieur qui fond sur le but, Nagy va recomposer.

On remarque que les Hongrois se "regroupent" à nouveau pour combiner.

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Salai, servi dans les pieds par Nagy, a déjà proposé trois mouvements différents dans cette action : demander dans les pieds au niveau du halfspace, attaquer le dos en courbant son appel, et désormais, s’isoler latéralement pour recevoir dans les pieds, ce qui va se produire avec la passe de Nagy, qui enchaine direct avec un appel "Toco y me voy"
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À nouveau, un groupe de joueurs va travailler ensemble autour de la balle : attaquant, relayeur droit, latéral, relayeur droit. Sallai choisit de jouer Styles dans les pieds malgré l’appel de Nego. Côté opposé, c’est également un groupe qui travaille ensemble pour offrir des options multiples.
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Servi (légèrement dans la course par Sallai), Styles se retrouve avec un incroyable éventail de solutions verticales, y compris celle de frapper au but.

Après de multiples feintes, il choisira de crocheter pour frapper du droit, profitant des courses de ses collègues.

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La séquence qui précède le deuxième des quatre buts Hongrois face à l’Angleterre en Nations League, on retrouve cet "attroupement" latéral dans la phase de préparation

Qu’est-ce donc que "l’échelle" ?

Comme le losange est la figure géométrique de référence du jeu de position, celle de du jeu de relation semble être la dite escadinha (échelle en Portugais).

Si l’on regarde les positions d’un latéral à l’autre sur la capture "radar" de début d’article, on voit bien un certain nombre de joueur alignés en diagonale de Négo à Kerkez.

Comme l’indique cette guirlande – explicite sur la notion d’échelle – de Jamie Hamilton, référence du réseau social X (anciennement Twitter) sur le sujet, le jeu relationnel possède des points communs avec le jeu positionnel : lorsqu’un joueur a le ballon, ses partenaires lui offrent de multiples solutions.

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Autre exemple "d’escalier" Hongrois face à la Grèce. Le joueur qui attaque la profondeur est le latéral gauche

L’un des points de rupture entre les deux styles est le nombre d’options courte, ou plutôt mi- longues.

Là où le jeu positionnel offre au porteur trois passes identiques à 10 mètres, sur plusieurs couloirs verticaux distincts, le jeu relationnel va lui en offrir quatre sur un seul couloir vertical, en plus des multiples possibilités de conduire le ballon, jouer en remise sans se retourner, ou aller directement solliciter la profondeur. Exemples :

Manchester City 2019-20 (style positionnel) :

- Toutes options du porteur sont à distances quasi-égales

- Il n’y a pas vraiment de chemin direct vers la profondeur

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Rodri choisit Foden, mais il aurait clairement pu choisir Gundogan ou KdB. Il n’y a pas de "10"

City marquera via KdB après avoir progressé étape par étape dans le bloc londonien. D’ailleurs, le jeu de Man City a lui aussi évolué vers plus de "relationnisme", mais ce n’est pas le sujet.

En opposition, l’équipe ultime relationniste (l’Atalanta de Gasperini, ici époque Papu Gomez) :

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On retrouve, soit des options très courte, sur le même couloir vertical. Soit des options longues, qui peuvent également être dans les pieds (mais longues quand même).
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Papu, le Szoboszlai de l’Atalanta, fait parler son pied pour trouver la meilleure option, en la personne de Hateboer, le Nego des Bergamasque.

Comme on le voit avec Papu Gomez, ce style est propice à l’émergence d’un "10". Platini, Zico et consort était les précurseurs de ce style réanimé par la Hongrie de Rossi.

Naturellement, dans cette Hongrie-là, c’est Szoboszlai qui porte cette charge. Comme l’indique l’extrait d’interview dans le tweet plus haut, son positionnement est libre. Face à la Serbie, on l’a même vu dans la surface pour sortir les ballons alors que la Hongrie variait ses sorties de balle. On le voit dans la capture ci-dessous, il est très mobile pour recevoir le ballon.

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Cela dit, comme nous l’avons vu tout au long de cette analyse, le jeu Hongrois serait trop prévisible si "Szobo" ne recevait le ballon que dans les pieds… D’où l’intérêt de pratiquer ce jeu fluide, imprévu et envisagé rationnellement, mais mobile et développé spontanément…

Ce sera pour les hommes de Murat Yakin un défi particulièrement relevé d'arriver à appréhender ce football submersif...

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