La sensationnelle médaille de Noé Seifert
Le gymnaste argovien est allé chercher, à l'issue d'un concours exemplaire, une monumentale médaille de bronze mondiale qui récompense tout le travail effectué à Macolin ces dernières années sous la houlette du magicien Laurent Guelzec et son staff.
C'est sa première médaille mondiale, et c'est au plus prestigieux des concours, le général, que Noé Seifert l'a décrochée, ce mercredi soir, aux championnats du monde de gymnastique artistique de Jakarta. Imitant le gigantesque orage qui s'est abattu deux heures avant sur la capitale indonésienne, une pluie de sollicitations, en anglais, en français ou en allemand l'assaille, mais Noé Seifert garde son sérieux, faisant face tant bien que mal. Indiscutablement, les mots lui manquent pour décrire sa performance. À moins que ce ne soit de la modestie. « C'est incroyable, assurément », confirme le chef du sport élite suisse David Huser. « Avant les Mondiaux, on n'aurait pas imaginé que la Suisse soit compétitive à ce point face à la Chine, au Japon et aux Russes, qui ont à nouveau le droit de concourir », juge-t-il. « Et le général, c'est la reine des épreuves. C'est complètement mérité pour l'athlète – de même que pour Florian Langenegger, qui réalise une super performance aussi (10e avec 79,599) – et pour tout le staff autour de Laurent Guelzec, Claudio Capelli, Sébastien Darrigade, Nils Haller, tout le monde. »
La sensation, qui s'étend à toute l'Europe de l'ouest, est forte. « Pensiez-vous qu'un tel résultat était possible ? », demande à Noé un confrère américain. « Euh... pas vraiment ! » bredouille l'Argovien. « Je ne savais pas où mon potentiel de points allait m'amener. À l'attaque du concours, j'étais très relâché. Je savais que le chemin était long – sur six agrès, tout peut arriver – et c'est grâce à cette décontraction que j'ai réussi à produire ma meilleure gymnastique. Le stress était gérable. Je me disais qu'il fallait simplement faire comme d'habitude. À la fin, la nervosité est montée, mais je l'ai bien gérée », estime Noé Seifert. « C'est à la fin, au moment du dernier passage de Cong Shi au sol (son concurrent direct pour le bronze), que j'ai vraiment été nerveux ! », rigole-t-il.
Entouré de légendes japonaises et chinoises
« Cette médaille, c'est incroyable », poursuit-il. « Ça arrive comme ça... C'est une reconnaissance pour tout le travail dur produit ces vingt dernières années. Une médaille ici, c'est incroyable. Je ne sais pas quoi dire ! » Quand il s'agit de dévoiler leurs objectifs, les gymnastes ont une formule toute prête : « Faire de la bonne gymnastique. Les meilleurs passages possibles. Et après, on voit. » Mais le Suisse affine l'analyse. « Le niveau d'un tel concours est tout de même assez élevé. Moi, je suis un outsider. Il fallait que je fasse le maximum. » Ce maximum, ce sont 82,831 points, derrière deux géants de la gymnastique mondiale, le Japonais Daiki Hashimoto, champion du monde avec 85,131 points, et le Chinois Boheng Zhang, en argent avec 84,333 points. Et surtout, devant Cong Shi, l'autre Chinois (82,297), qui n'a pas chuté, et l'autre Japonais, le champion olympique Shinnosuke Oka (81,797). Des monstres.
« Ça aussi, c'est incroyable », se marre l'Argovien. « Quand je suis entré dans la salle, je me suis dit p..., je fais la compétition aujourd'hui avec Hashimoto et Boheng Zhang ! J'ai vraiment dégusté ce concours. C'était une super expérience. » Seifert a essayé de ne pas trop suivre le classement au fil des passages mais, évidemment, sentait qu'il était dans la course. « J'évite de trop regarder, parce que si une note ne te plaît pas, ça te fait gamberger. Les notes, ce n'est pas essentiel. Je peux les regarder après ! », rigole-t-il, fidèle à l'humour qu'on lui connaît.
« Aujourd'hui, je dois faire la fête ! »
Un concours général est un défi physique, qu'il faut reproduire en qualifications et en finale. Noé Seifert avait sa stratégie pour encaisser. « Nous avons reproduit les deux jours de pause durant la préparation en amont de ces Mondiaux », dévoile le Suisse, « avec un entraînement par jour. Le lendemain des qualifications, je n'ai pas forcé. Le jour d'après non plus. » C'est qu'il s'agit d'être en forme pour fêter ça. « Maintenant, je dois faire la fête, aujourd'hui, c'est comme ça ! », lâche-t-il, un grand sourire aux lèvres. Mais, euphorie aidant, il n'est pas le seul à faire preuve d'humour. « Si nous avons stressé avant le dernier passage ? C'est rien de le dire ! », s'exclame David Huser en s'efforçant de garder son sérieux. « Quand on voit l'athlète s'engager corps et âme, qu'on partage ses émotions, c'est très intense. Aujourd'hui, j'avais cette sensation : il peut le faire. Je suis très fier de ce qu'il a réussi là. »