Le gâchis Ben Seghir
Contrairement à son compatriote El Khannouss, qui a trouvé sa place dans la rotation offensive du VfB Stuttgart, l'autre international marocain de Bundesliga Eliesse Ben Seghir ne parvient pas à franchir le pas à Leverkusen.
Parmi les recrues estivales du Bayer Leverkusen, deux sont toujours au point mort : Claudio Echeverri et Eliesse Ben Seghir. Pour ce dernier, arrivé au bord du Rhin moyennant une bonne trentaine de millions de francs suisses, ça ressemble même à une marche arrière. Après avoir disputé des mi-temps entières en septembre puis gratté quelques miettes de temps de jeu en octobre, le milieu offensif marocain de 20 ans traverse les matches assis sur le banc : à Wolfsburg, contre Dortmund (en championnat comme en Coupe), contre Cologne, à Manchester City, contre Newcastle. Dans l'intervalle ? 29 minutes jouées à Augsbourg pour une défaite 0-2. Un bilan famélique.
Depuis le retour de Martin Terrier, remis de la rupture de son tendon d'Achille, début décembre en Coupe à Dortmund (1-0), Eliesse Ben Seghir peut faire l'amer constat que tous les hommes de son secteur de jeu dans l'effectif lui sont passés devant. « Il va avoir sa chance », martèle pourtant son entraîneur Kasper Hjulmand. « C'est un super joueur, je vais trouver le bon moment pour l'aligner. Ce n'est qu'une question de temps. » Le Danois cherche-t-il, justement, à gagner du temps en jouant ainsi les diplomates ? Deux éléments de réponse peuvent faire bouger le curseur : d'une part la Coupe d'Afrique des Nations (21 décembre-18 janvier), pour laquelle le natif de Saint-Tropez est convoqué et le Maroc parmi les favoris et, d'autre part, la volonté ou non de Manchester City de cesser le prêt de Claudio Echeverri dès cet hiver.
Seul sous son casque
Pas sûr qu'un départ de l'Argentin éclaircisse beaucoup l'horizon d'“Eli” pour autant : d'une part, des joueurs comme Malik Tillman, Ernest Poku, Ibrahim Maza ou Jonas Hofmann, sans parler d'Alejandro Grimaldo, semblent infiniment plus installés que le jeune dribbleur marocain et, d'autre part, le Bayer vise le renfort du meneur de jeu de 18 ans du KRC Genk Konstantinos Karetsas pour l'été. Cornerisé, Ben Seghir ? À l'écart, en tout cas. Comme à l'aéroport, la nuit du retour de Manchester après la victoire chevaleresque du Bayer à City (2-0), où le jeune Marocain, isolé sous son casque audio, ne participa pas à la discussion enjouée des autres recrues estivales. Présent, certes, mais sans être réellement là.
Pourtant, l'ancien Monégasque a joué dès son arrivée au Bayer. Mais il n'a pas pu s'y imposer pour deux raisons très différentes, l'une collective, l'autre individuelle. En début de saison, le vice-champion d'Allemagne était en plein chantier et cherchait avant tout une stabilité défensive. Pas le domaine d'un artiste comme Ben Seghir, dont les passes n'avaient aucun destinataire. Sur le plan individuel, le Marocain pêche physiquement et ne parvient pas à raccrocher les wagons. Pendant qu'une équipe s'est constituée, il est resté à quai. Les dix matches (sur dix possibles) disputés l'an dernier avec l'AS Monaco n'y changent rien.
Concurrence en sélection aussi
Ni son club ni sa fédération ne l'abandonnent pour autant. Le staff du Werkself lui a transmis du rab d'exercices pour la période passée auprès de sa sélection, en accord avec celui des Lions de l'Atlas. « Footballistiquement, techniquement, Eliesse dispose du bagage complet », expose dans les colonnes de l'hebdomadaire Sport Bild l'ancien international marocain Youssef Mokhtari, passé par Cologne et l'Energie Cottbus. « Mais il doit encore s'habituer à la dureté et à la vitesse de la Bundesliga, qui sont différentes de celles de la Ligue 1. Il faut qu'il montre les dents, qu'il se batte. S'il intègre ça, s'il fait un travail sur lui-même, le Bayer sera bien content de disposer de lui dans ses rangs. »
Après la perte de confiance dans la relation avec Adi Hütter à Monaco, Ben Seghir a refusé de prolonger son contrat en Principauté et pris le pari, l'été dernier, de quitter son cocon azuréen pour la première fois. À Leverkusen, on attendait une montée en puissance avant son départ au Maroc pour la CAN, où un tournoi réussi par les Lions de l'Atlas lui permettrait de consolider son mental pour revenir fin janvier tel un vrai renfort. Seule la seconde partie des promesses demeure désormais accessible, sinon réaliste. Mais en sélection aussi, la concurrence sera féroce.