Markus Krösche, l'expert
La première qualification directe de l'histoire de l'Eintracht pour la Ligue des champions lui doit beaucoup. Le directeur sportif du club de la Hesse Markus Krösche fait étalage, depuis son arrivée en 2021, de ses compétences en matière de recrutement et de management et bénéficie d'une excellente image de marque bien au-delà de Francfort.
Il a débarqué, en 2021, alors que des nuages menaçants flottaient dans le ciel de Hesse. Pandémie oblige, le compte en banque de l'Eintracht avait fondu. Le club venait de manquer la qualification pour la Ligue des champions. Certains de ses dirigeants les plus emblématiques, et surtout les plus compétents, quittaient le navire, notamment le directeur sportif Fredi Bobic, en partance pour le Hertha Berlin, mais aussi l'entraîneur Adi Hütter, qui faisait ses valises pour Mönchengladbach. Markus Krösche, qui s'était dégagé en avril de son contrat au RB Leipzig, où son champ d'action était limité à gauche et à droite, était non seulement libre, mais armé pour rebondir. En deux ans dans la Saxe, il avait étendu son réseau et s'était frotté au job dans un club de calibre Ligue des champions. À Francfort, le directoire a senti l'aubaine.
Le 1er juin, après des dizaines d'heures de discussions visiblement convaincantes pour cadrer les perspectives avec sa future direction, le jeune quadragénaire démarrait sa nouvelle mission. À Francfort, on était alors convaincu de ses vertus de communicant, d'empathie, de droiture, de planificateur, et de son éthique de travail. En un mot, de sa stature de professionnel. Des qualités qui allaient instantanément porter leurs fruits : la première décision de Krösche fut en effet d'enrôler comme entraîneur un certain Oliver Glasner, qui vient d'offrir à Crystal Palace le premier trophée de sa longue histoire ! Pari réussi, l'Autrichien menant l'Eintracht à la victoire en Ligue Europa dès la première saison...
Le potentiel de la jeunesse
Quarante ans – précisément l'âge de Krösche – que le bouillant club de l'ouest de l'Allemagne attendait pareil accomplissement ! Avec un sacré bonus à la clef, une qualification automatique pour la Ligue des champions, manne financière providentielle en ces temps de disette économique mondiale sans laquelle la direction sportive aurait dû sévèrement réduire la voilure – comme ce fut le cas quelques années auparavant lorsque Fredi Bobic, sans le sou, fit des miracles dans le recrutement des Jovic, Rebic, Kostic et autre Gacinovic. Le rayon d'action : miser sur de jeunes joueurs à fort potentiel d'évolution – y compris en gardant un œil attentif sur l'équipe réserve – et leur fournir le meilleur environnement possible. Centre d'entraînement moderne dans la forêt à deux pas du stade, encadrement quotidien, lien avec les proches, suivi médical, préparation physique.
Mission : renforcer l'équipe tout en la rajeunissant et dégager des profits de revente. Depuis l'arrivée de l'ancien directeur sportif de Paderborn – où il a disputé comme milieu défensif toute sa carrière professionnelle, arrêtée en 2014, et où vit toujours sa famille –, l'Eintracht a engrangé plus de 300 millions de francs en vendant ses joueurs, ne dépensant que la moitié à l'achat ou pour des prêts. Pour parvenir à ces performances tant sportives que financières, Krösche a accentué le caractère scientifique du processus de recrutement, s'appuyant sur des lignes de statistiques et la puissance des ordinateurs. L'un de ses critères de recherche favoris : la polyvalence, la variété, la flexibilité des profils. « C'est la base pour être imprévisible pour l'adversaire », expliquait-il au bi-hebdomadaire kicker en 2022. « Charge ensuite à l'entraîneur de disposer ses joueurs pour s'adapter au match qui vient. » Le puissant et rageur Arthur Theate et le filigrane Nathaniel Brown, dans le secteur gauche de l'actuelle défense, en sont un exemple éloquent.
Intense travail vidéo
Rester dans les clous du budget nécessite d'intenses visionnages de matches. « Nous visionnons environ dix matches du joueur, les cinq derniers et cinq autres disputés en amont, des finales, des matches à enjeu », dévoile Krösche. Qui observe le comportement technique de sa cible face à des profils divers mais aussi sa personnalité. Aussi chirurgical et pointilleux soit-il, le processus n'est pas une science exacte pour autant, comme l'a par exemple montré le recrutement de Lucas Alario, un échec à l'arrivée. Elye Wahi et Can Uzun, qui ont coûté à eux deux 30 millions de francs, échapperont-ils à un bilan mitigé ? La question demeure en suspens. Aussi réduite soit-elle, la prise de risque fait partie du job. Et une pêche miraculeuse comme le gardien brésilien Kaua Santos, qui a coûté un demi-millions de francs seulement, ou Jean-Mattéo Bahoya, hameçonné en 2e division française, compense largement. Sans parler du choix osé de Dino Toppmöller comme entraîneur qui, après une saison en demi-teinte, s'est affirmé cette année comme un cador du championnat.
Quand on est en mesure de vendre 90 millions de francs Randal Kolo Muani et plus de 70 millions Omar Marmoush, qui n'ont rien coûté à l'achat – vous avez bien lu –, on présente une balance dans le vert. Et durablement : Les 20 petits millions qu'a coûté Hugo Ekitiké devraient être allègrement fructifiés un jour ou l'autre à leur tour... Pas étonnant, dès lors, que les requins d'Angleterre gonflés à l'argent artificiel s'intéressent, dès lors, aux compétences de notre homme, sous contrat à l'Eintracht jusqu'en 2028. Mais Krösche, pour l'heure, apprécie la liberté dont il jouit et la rationalité du circuit de décision à la direction de son club. « Le plus important, c'est que je puisse prendre les décisions dans mon domaine », confirme-t-il, aussi calme que déterminé. Avec, comme récompense, la campagne de Ligue des champions 2025-2026.