Débat: La nouvelle Coupe du Monde des Clubs est-elle bénéfique pour le football ?
Dans la nuit de samedi à dimanche, la nouvelle Coupe du Monde des Clubs de la FIFA fêtera sa première édition avec d'importantes réformes. Ce sont pas moins de 32 équipes qui s'affronteront pendant un mois pour un montant total d'un milliard de dollars américains. Mais ce tournoi est-il vraiment bénéfique pour le football ? Nos rédacteurs Younes Hdk et Patrick Y. Fischer ne sont pas d'accord.
Younes Hdk dit : Oui
Heureusement que Jules Rimet n'a pas eu affaire au monde du football tel que nous le connaissons en 2025, nous serions alors passés à côté de la plus grande compétition de football La Coupe du Monde FIFA… De même que le journal français l'Équipe lorsqu'ils ont créée l'ancêtre de la Champions League, aujourd'hui compétition la plus populaire au monde. Nous sommes dans une époque où la moindre nouveauté est toujours aussitôt critiquée. Dans ces conditions, il est très difficile d'innover.
Le principal argument qui revient dans la bouche des détracteurs de cette Coupe du Monde des clubs est qu'il y'aurait beaucoup trop de matchs. Mais qui est responsable de ce rythme infernal ? Comme l'a très justement pointé du doigt Rummenigge, l'accroissement du nombre de match est la conséquence directe du besoin qu'ont les clubs d'augmenter leurs revenus. Depuis quelques années, les clubs de football connaissent tous de grandes difficultés économiques causés avant tout par l'appétit gigantesque des joueurs de football. Peu de domaines ont connu une aussi grande inflation au cours des dernières années que le football. Le joueur le mieux payé au monde dans les années 2000 émargeait à ~14M€/an, quand il fleurte aujourd'hui avec les 35M€/an. Si les joueurs ne se montraient pas aussi gourmands au moment de négocier leurs contrats, les clubs n'auraient peut-être pas à empiler les matchs lucratifs pour éviter la banqueroute. Comme le dit le proverbe : "on n'a rien sans rien".
Aussi, il ne faut pas oublier qu'il y a moins de quatre ans, un groupe de grands clubs s'étaient élevés pour créer une Super League jugeant d'après des études sérieuses que l'intérêt pour le football était en perte totale de vitesse. Oui le football passionne moins, alors que faire ? Essayer de lui redonner un second souffle ou le laisser mourir à petits feux ? Gianni Infantino a choisi la première solution. Le football manque de matchs compétitifs et… INÉDITS. Alors quoi de plus inédit que de voir des clubs du monde entier s'affronter dans un cadre on-ne-peut-plus compétitif ? C'est tout de même très intriguant de jauger les différences de niveau et de style entre le football africain, le football asiatique et le football sud-américain par exemple. On a souvent entendu ces dernières années les nombreuses interrogations sur le niveau de la Saudi Pro League ou de la MLS désormais nous seront enfin fixés !
Certes il y a peut-être trop de matchs dans le football moderne, mais s'il fallait vraiment en retirer c'est plutôt du côté des (nombreuses) compétitions sans intérêt comme la Nations League, les Supercoupes, ou encore les tournées estivales qu'on aurait envie de regarder avant de s'attaquer à la Coupe du Monde des Clubs. Vaut-il mieux regarder un River Plate vs Real ou un Real vs Bilbao ? Vaut-il mieux regarder un PSG vs Atlético ou un PSG vs Tottenham, un Bayern vs Stuttgart ou un Bayern vs Boca Junior ? De mon côté, vous l'aurez compris le choix est vite fait.
Patrick Y. Fischer dit : Non
Hourra, la Coupe du Monde des Clubs de la FIFA est née - c'est du moins ce qu'affirme la Fédération internationale de football autour de son président Gianni Infantino, dont le projet prestigieux fêtera dans la nuit de samedi à dimanche sa première, pas si attendue que cela. Car soyons honnêtes : si l'idée d'un tournoi réunissant les meilleures équipes de clubs du monde peut paraître passionnante au premier abord, sa mise en œuvre s'avère être un véritable défi.
Il suffit pour s'en convaincre de constater que ce tournoi, organisé à relativement court terme, ne s'inscrit pas du tout dans le calendrier des matches. Après le Final 4 de la Ligue des Nations et une trêve internationale, le tournoi, quatre fois plus grand qu'auparavant, aura lieu du 15 juin au 13 juillet. Il s'agit donc d'un timing à cheval entre deux périodes contractuelles ainsi que deux fenêtres de transferts. Il en résulte une situation inhabituelle : un Xabi Alonso, après une saison complète au Bayer Leverkusen, se retrouve soudain sur la ligne de touche du Real et des figures de proue comme Thomas Müller ne peuvent théoriquement plus jouer pour leur équipe c'est d'ailleurs pour cela que la FIFA a créé en urgence une "fenêtre de transfert intermédiaire" spéciale (du 1er au 10 juin). Sans parler du fait que, pour la quasi-totalité des joueurs et des entraîneurs, le tournoi intervient à un moment où ils devraient normalement se reposer ou, dans le meilleur des cas, commencer à se reconstruire lentement pour la saison à venir. Il est donc difficile d'espérer des performances sportives de haut niveau.
D'autant plus qu'un tournoi comme le Mondial des clubs a toujours manqué d'importance et de rayonnement sur le plan sportif. Les grands noms et une compétition à taille humaine ne sont pas un concept qui promet un succès retentissant auprès des fans. Le fait que les ventes de billets ne soient pas à la hauteur des attentes n'est pas seulement lié à la pertinence sportive du tournoi. Le fait que même dans le sport mondialement populaire qu'est le football, il manque à mon avis des rivalités globales au niveau des clubs, pèse également dans la balance. Dans le meilleur des cas, celles-ci se développent sur plusieurs décennies, comme c'est le cas pour la Coupe du monde, désormais presque centenaire, même s'il faut ici aussi être honnête : Un hypothétique duel entre la Suisse et la Nouvelle-Zélande ne dégage pas plus d'éclat que les matchs d'ouverture prévus dimanche entre Al Ahly et l'Inter Miami ou le duel entre le Bayern et Auckland City.
Au final, on peut se demander qui a besoin de la Coupe du monde des clubs ? À priori pas les supporters et encore moins les joueurs et les staffs des clubs concernés. Probablement seulement une poignée de clubs en difficulté financière et, bien sûr, la FIFA elle-même, qui tente de s'accaparer à l'avenir une part encore plus grande du gâteau du divertissement sportif pour elle-même et ses membres. Mais jusqu'à présent, le compte n'y est pas encore comme on l'espérait. Face à la lenteur des ventes de billets et à l'intérêt plutôt modeste du marché de la télévision, la Fédération internationale a été heureuse de pouvoir présenter la semaine dernière un nouveau sponsor, le fonds souverain d'Arabie saoudite PIF. Ce même fonds qui, par le biais d'une filiale, a vraisemblablement participé à l'attribution internationale des droits de retransmission (et a ainsi fait entrer de l'argent dans les caisses de la FIFA). La première Coupe du Monde des Clubs de la FIFA semble donc avoir été bien accueillie par les Saoudiens...