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Analyse Football

Pourquoi Liverpool n'y arrive plus ?

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Champion intouchable l’an dernier, le Liverpool d’Arne Slot est en pleine tempête, avec cinq défaites de rang en PL. Après neuf journées, ce total dépasse déjà celui de l'ensemble de la saison passée. Le technicien hollandais l’a admis explicitement après le revers à Brentford : les adversaires ont trouvé la formule pour les annuler, et les Reds ne savent pas y répondre. En mettant en perspective les différentes approches de ceux qui ont vaincu les Reds, certains ajustements émergent.

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Rien ne va plus à Liverpool ou Arne Slot semble peiner à trouver la solution

Nécessairement truffées de formules plates, les conférences de presse des entraineurs offrent parfois de précieux insights. C’était le cas avec le toujours placide Arne Slot, après le revers à Brentford. Mettant en perspective la façon dont les dernières oppositions ont changé leurs habitudes, Slot synthétise : "Les adversaires adoptent un certain style de jeu contre nous". Le mot – l’aveu - est lâché : "nous n’avons pas trouvé la réponse".

Le SlotBall : une projection massive qui submerge l’adversaire

Révélé au Feyenoord, Arne Slot est l’archétype de l’entraineur moderne au jeu proactif. Basé sur la phase offensive, son football se définit par un mix de principes positionnels de projection verticale, massive et tranchante. Sa présentation à la PL – un désossage en règle de United à Old Trafford – faisait étalage des recettes qui ont mené son Feyenoord au titre national et à une finale continentale, perdue face à la Roma de Mourinho.

Organisé en 3-2-5, les hommes de Slot ne se contentent pas d’utiliser la largeur en cherchant du jeu court pour progresser pas à pas. Ils ont également recours à un certain nombre de partis pris "anti-positionnels", deux 6 très proches notamment. Et certainement pas interdits d’accès dernier tiers du terrain.

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Le 3-2-5 de Slot ne veut pas seulement connecter la dernière ligne. Il autorise des joueurs "en base" (ici Gravenberch) à la joindre pour porter l’assaut. Le back4 de United est ici submergé

Le Real, écrabouillé à Anfield l’an dernier, peut en témoigner, lui aussi submergé par une projection, venue de la base arrière, incarnée par MacAllister :

Là où un Guardiola, plus calculateur, coupait sciemment son équipe en deux, chargeant le premier groupe de cinq joueurs de défendre préventivement toute tentative de contre-attaque, Slot développe une logique totalement différente : il n’hésite pas à envoyer dans la profondeur des joueurs initialement "en base", comme son latéral gauche, plus ou moins central du 3-2-5 sur le papier  - on l’a vu l’an dernier avec Robertson, et ça continue cette année avec Kerkez – ou l’un des membres de son double pivot.

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La constante du jeu de position et d’invasion de Slot : un membre de la "base" (Jones) vient submerger l’adversaire au moment de la dernière passe. Ce parti-pris paye ici via Kerkez

Buteur à Brentford, l’ancien Cherry illustre bien cette projection "surprise" qui désarçonne l’adversaire, pris par ce surnombre imprévu.

Ainsi, que l’opposition défende en bloc haut ou en bloc médian, l’ancien Rotterdamois lui rend impossible un objectif de jeu bien précis : s’aligner et laisser les joueurs de projection finir hors-jeu. Pas d’interception et donc pas de contre-attaque.

C’est clair sur la séquence initiée plus haut : United essaie de s’aligner, mais avec Gravenberch et les cinq attaquants, les options sont trop nombreuses pour que le piège fonctionne. Le Néerlandais attend le moment fatal de l’alignement pour ajuster sa passe.

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Derrière, il reste une pelotée d’options pour Diaz. La position (très légèrement devant le ballon de Salah sur la passe Diaz) sauve United, totalement dépassé par l’invasion positionnelle Slotienne.

Par cette approche, Slot a su sublimer l’ailer industriel et productif qu’est Salah : buteur, mais également souvent passeur. On le voit nettement ici face à Bologne : les défenseurs s’alignent au moment où l’Égyptien arme son centre plongeant. Il ajuste et trouve… MacAllister, lancé vers le but.

Comment des Reds aussi dominants ont-il donc pu perdre le fil ? En mettant en perspective les différentes approches qui les ont partiellement annulés, plusieurs parti pris émergent.

(Cont)rolling in the deep 

Que ce soit en bloc haut ou au moment de la finalisation, les adversaires ajustent avec un premier parti pris clair : peu ou pas d’alignement, et une claire priorité au contrôle de ces courses massives. En mettant en perspective les plans défensifs de Brentford (J9) et Chelsea (J7) : on voit clairement ce pattern se dégager.

Entraineur-ordinateur habitué à se contorsionner en fonction des caractéristiques de l’adversaire, Maresca va bouleverser son animation défensive face aux Reds, et calquer l’adversaire pour se prémunir de tout surnombre dans une zone donnée. Face à la sortie de balle des Reds, en 3-2-5 donc, il se mue en Gasperini et déploie une sorte de 5-2-3 :

- Ses trois attaquants sont sur la "base" de Pool’ : Garnacho, J. Pedro et Neto prennent respectivement Konate, VVD et Kerkez

- Le milieu en 2+1 de Liverpool (Szoboszlai, 10, se projette et fait partie des attaquants) est calqué par celui de Chelsea : Enzo sur Gravenberch, Gusto sur MacAllister, Caicedo sur Szobo (donc quasi défenseur)

- Cucurella est sur Bradley (ArD), Reece-James sur Gakpo (AiG), alors que Badiashile (DCG) et Acheampong (DCD) complète le schéma face à Salah et Isak

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Caicedo (au centre de la défense) ne lâche pas Szobo. Les Reds sont calqués par Chelsea

Maresca, pour créer de la densité autour du ballon, ne met pas son back4 autant en individuelle que le reste de l’équipe. En coulissant selon la position de la balle, les Blues assurent une certaine couverture.

Avec cette approche, les Blues se prémunissaient d’un éventuel flottement lié à une variation des Reds. Sur d’autres temps de jeu offensifs, Gravenberch venait se joindre à Konaté et Van Dijk, alors que Kerkez montait d’un cran. Sans chercher à échanger les marquages, Enzo restait sur son opposant direct.

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Grande et petite profondeur

On le voit sur la séquence ci-dessous, qui permet de mettre en lumière l’ajustement principal, au-delà de "matcher" totalement le schéma de Slot : le contrôle des courses profondes.

C’est net ci-dessous au moment où MacAllister tente un énième appel vers la profondeur : Gusto ne le lâche pas et Chelsea éteint ainsi la "petite" profondeur dans laquelle les Reds ont fait exploser tant de grosses cylindrées. Juste avant, on voit qu’alors qu’Isak dédouble aile, le changement de marquage est fluide entre Reece James et Acheampong.

Les Blues ne bouleversent pas leur animation habituelle (un alignement net au 16m), mais traquent juste ce qu’il faut les Reds, en évitant le moment de flottement dont Slot raffole.

À Brentford, face à une équipe qui présente des caractéristiques "macro" tout à fait différentes des Blues, on constate que ce sont les mêmes ajustements "micro" qui font la différence.

Sur leur pressing haut, les hommes de Keith Andrews, organisés en 4-4-2 à plat, font nettement sortir leur DC gauche sur Wirtz, 10 du soir, basculant ainsi dans un 3-1-4-2 temporaire, qui matche totalement le 4-2-3-1 des Reds. Attentif au jeu relativement direct de Slot, on voit bien ci-dessous qu’il n’y aucune prise de risque dans l’alignement. Le contrôle de la profondeur est priorisé, quitte à s’étendre verticalement.

Une fois replié, on les voit également porter une attention extrême à ces fameuses courses, corroborant ainsi les propos de Slot.

Sur ce temps de jeu, qui suit l’ouverture du score, venue d’une touche longue caractéristiques des hôtes du soir, le contraste est net avec les séquences vues précédemment où l’invasion fait la différence, face à un alignement forcément douteux. 

Alors que Salah est décalé côté droit, Liverpool va produire l’invasion de surface caractéristique du jeu tout en surnombre de Slot. Sur un premier appel de Wirtz, c’est l’ailier gauche Kevin Schade qui contient sa course, alors que le central côté ballon est allé faire le nombre face à Salah et son latéral.

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On emploie les grands moyens pour contenir les courses : c’est l’ailier gauche adverse qui rentre dans sa propre surface, dans le dos de son défenseur central, pour contenir la course de Wirtz

Au second poteau, on retrouve Gakpo, Ekitike, et Kerkez. À nouveau, on cherche à tenir les courses, plutôt qu’à s’aligner, et le milieu va aider. Kayode (latéral droit), Collins (central droit) et Ouattara (ailier droit), prennent chacun un des trois Reds cités plus haut.

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Même cahier des charges pour l’ailier droit Ouattara au second poteau : Le Burkinabais vient faire le nombre et contient Kerkez, prêtant ainsi main forte à son central droit et à son latéral, qui prennent en charge Gakpo et Ekitike. La "petite profondeur" est tenue

Un comportement opposé à celui de Bologne vu plus haut, et de tant d’équipes balayées par la logique d’invasion de Slot. Une logique comprise par les adversaires, qui prennent soin de contrôler les courses des Reds.

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Comme face à Galatasaray sur l’action du penalty, c’est une transition défensive à la suite d’un temps en bloc haut qui va être fatal aux Reds sur le 2-0. Les adversaires privant les Reds de leur capacité à mettre du rythme, font payer à Slot les projections venues de la base arrière. Sur un coup de génie du maestro Damsgaard, c’est ce même Schade qui dévore l’espace, surprenant ainsi Konate.

La pince est cassée

Arne Slot le mentionne dans l’extrait initial : les Reds sont également défaillants défensivement. Habitués au 4-3-3 avec Klopp, ils déploient, sous la direction du technicien batave un 4-2-4. L’ambition de cette organisation est de mixer les vertus de deux approches : l’orientation de l’adversaire vers l’extérieur et vers l’intérieur. 

Extérieure, car le 424 des Reds est en théorie compact latéralement, et fourni dans l’axe. Et intérieur, car c’est bien là que les ailiers Reds orientent l’adversaire, pour le mettre sous toujours plus d’urgence. La fameuse pince, dont Salah et Gakpo sont les crochets. L’an dernier, mis à part au Parc, ce compromis fonctionnait parfaitement.

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Le 424 idéal de Liverpool : Gravenberch en couverture de MacAllister, prompt à aider Szobo. Les ailiers restent proches du but et ce système permet de presser également le gardien

Mais avec seulement deux éléments, le cœur du jeu doit être accompagné par une mécanique parfaitement huilée.

Le plan de Chelsea avec ballon a bien exposé la marche à suivre pour déséquilibrer les Reds : faire jouer Gravenberch et MacAllister à contre-emploi. En théorie, l’Argentin est le plus offensif des deux, selon l’asymétrie de l’attaque, où le 9 est systématiquement à gauche du 10, et ce afin de couper la relation avec le 6 adverse. Offrant ainsi à Salah un rôle plus proche du but. Comme à son habitude (c’était également net face à Paris), Maresca a fait en sorte de créer la pire formule à défendre pour les Reds.

Du côté droit de Gravenberch, Enzo est venu jouer très bas. Aligné relayeur droit, Malo Gusto s’est tenu extrêmement haut dans le halfspace droit, mobilisant ainsi MacAllister. Légèrement à droite, Caicedo désaxait Szobo, alors qu’Isak s’engage pour forcer le gardien à jouer vers l’intérieur.

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Trop loin pour jaillir sur Caicedo, MacAllister l’a laissé mobiliser Szobo, mettant à son tour Gravenberch face à un dilemme. On le voit ci-dessous à plusieurs moments Szoboszlai montrer sa frustration au 8 hollandais de ne pas être suivi.

Après un début de match maîtrisé, les Blues trouvent la faille en variant : Gusto fait sortir Macca, et c’est finalement Caicedo qui s’insère entre les lignes.

Le début de match face à United et son (fameux) 3-4-3 plaide pour la même incapacité à s’échanger les marquages, et collaborer efficacement avec le milieu à deux. C’est net sur l’ouverture du score de United à Anfield : Face au 3+2 des Red Devils, les rôles sont mécaniquement plus simples à distribuer, alors que Szobo "redevient un milieu". 

Après un jeu long sous pression de Lammens, Van Dijk renvoie. La défense de United est haute, et poser le cuir n’est pas une option pour Maguire, qui va à son tour mettre un coup de casque. À ce moment, Szobo est au contact de Casemiro, et Gravenberch proche de Cunha, venu dans le trafic. Tout indique MacAllister doit quant à lui gêner Bruno sur le second ballon, et laisser Van Dijk opérer un nouveau renvoi, alors qu’on imagine mal Mbeumo le devancer.

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Pour autant, l’Argentin s’engage, en reculant, pour intervenir. L’erreur est fatale : il gêne son partenaire, et le cuir atterrit sur le meneur de jeu portugais. S’en suit un décalage pour Diallo qui lance Mbeumo, qui va aller au bout

Soumission stratégique

Bien identifiés par les adversaires, les partis pris offensifs de Slot ont de plus en plus de mal à s’exprimer. En un sens, c’est une forme d’acceptation de la supériorité des Reds que de décider de tenir toutes leurs courses verticales comme le font leurs adversaires. Cela devrait, en théorie, appauvrir leurs opportunités en transition offensive. Pour autant, en partant de loin, on voit nettement contre Galatasaray et Brentford que l’apathie offensive des Reds les expose finalement sur de grands espaces.

Bien entendu, on ne peut éluder le sujet Salah, qui savait également utiliser les petits espaces l’an dernier lorsque l’adversaire reculait. Très affecté par la disparition de Diogo Jota, l’Égyptien est beaucoup moins inspiré et semble avoir perdu la joie de jouer.

Englué dans une dynamique ultra-négative, les Reds vont devoir se réinventer offensivement. Ils semblent avoir perdu beaucoup de leur capacité à improviser un certain nombre d’aspects défensifs relevant de la praxis. Alors qu'un enchaînement hautement périlleux s'annonce avec Aston Villa, Real Madrid et Manchester City, Arne Slot va devoir trouver rapidement la solution sous peine d'être le troisième coach de PL débarqué au cours de cette saison.

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