PSG vs Inter : Paris à nouveau sous la menace des touches longues
À priori basique d’un football archaïque, les touches longues représentent une arme bien plus qu’accessoire pour l’Inter. Secoué par les remises en jeu astucieuses et sophistiquées d’Arsenal, le PSG a dû s’en remettre à deux exploits de son gardien pour ne pas perdre son avance dès l’entame du retour. De leur côté, les Nerazzuri ont excellé dans l’exercice face au Barça. Dans une finale où leurs pieds devraient majoritairement leur servir à courir après le ballon, le lancer avec leurs mains vers la surface adverse sera sans doute un moyen efficace d’inverser le rapport de force
Règles et connexion au jeu dynamique
Subtilité connue d’une grande majorité de suiveurs et de pratiquants de football, il convient pour autant de rappeler qu’une une loi – fondamentale – du jeu ne s’applique plus au moment où le lanceur d’une touche tient le cuir entre ses 10 doigts : celle du hors-jeu.
Une autorisation effective sur tout ce qu’on appelle les "remises en jeu", parmi lesquelles comptent les 6m du gardien. Dans le même esprit que celui qui animait Guardiola lorsqu’il a commencé à envoyer Haaland à l’entrée de la surface adverse, capitalisant alors sur Ederson et son coup de pied de mammouth, un certain nombre d’équipes tablent sur cette liberté pour utiliser toute la profondeur du terrain, au moment d’effectuer une touche.
Forçant ainsi l’adversaire à emboiter le pas, alors que le drapeau de l’arbitre assistant ne peut – à ce moment - plus rien pour lui.
Bien entendu, une fois le ballon touché par un adversaire ou un coéquipier du lanceur, la loi 11 s’applique à nouveau.
Ce changement brutal ouvre un certain nombre de chemins vers l’inconfort de l’équipe qui défend la touche longue, obligée de procéder immédiatement à cette inconfortable "transition" de la remise en jeu, au jeu dynamique.
Trimballé et déformé par le jeu de position protéiforme d’Inzaghi à l’aller, le Bayern perd sa lucidité, et conserve son alignement, malgré ce point fondamental de règlement.
Lautaro n’hésite pas à aller à se caler sur le drapeau de touche imaginaire, qui correspond alors à la ligne de fond. Même s’il n’a pas le temps de tirer, la défense se repliant logiquement, la séquence se finit par un tir à bout portant de Çalhanoğlu, à l’entrée de la surface.
Dans ce registre du lien intime entre remise en jeu et jeu, on peut aussi penser à l’énorme occasion qui se profilait pour Barella à la toute fin de la première prolongation du retour face au Barça. Alors que le Barça est en train de pratiquer le hors-jeu hardcore qui le caractérise, l’Inter obtient une touche à mi-terrain.
Bien au fait des lois du jeu, Inzaghi volleye une passe digne d’Antoine Dupont à son central gauche, avant de lui indiquer délicatement de jouer immédiatement pour Taremi, pas hors-jeu, donc.
L’Iranien rattrapé, Bastoni va être trouvé à nouveau libre face au jeu. Arrivée comme une balle depuis le côté opposé, Barella avait "cassé l’alignement" blaugrana, qui se recomposait laborieusement.
L’arbitre met le sifflet à la bouche de façon confuse, et heureuse pour les Catalans, alors que l’Inter s’était créé, par son utilisation de cette remise en jeu, une énorme occasion.
Dégagement
Ces séquences prouvent que la touche ne vaut que par sa connexion au jeu dynamique.
Le retour soudain du hors-jeu, alors que le ballon revient en jeu nécessitant soit :
- De passer quelques secondes avec un placement inapproprié : trop bas alors qu’on défend haut, la remontée occasionnant un certain flottement
- De rester très bas (le bloc ou juste la défense) sur la suite de l’action, ce qui ouvre des possibilités intéressantes pour l’équipe qui attaque, notamment en frappant de "devant" la défense
Être trop haut est aussi problématique pour bien réaliser le salvateur dégagement de la tête, comme on le voit avec Marquinhos plus haut. Cela va sans dire, avec une surface surpeuplée par l’adversaire, contrôler de la poitrine n’est pas du tout une option, alors que le dégagement du pied qui suit peut vite se transformer en faute et en penalty, si l’adversaire vient ne serait-ce que toucher le ballon.
Face à Villa, sur l’action ci-dessus, Marquinhos est un peu haut par rapport à la trajectoire que les bras de Maatsen vont produire. Sur le reculoir, le Brésilien, non-seulement ne parvient pas à renvoyer le ballon d’où il vient (compliqué en le prenant par en dessous), mais en plus, il perd l’équilibre en retombant, et est exclu du deuxième ballon.
Ainsi, certaines équipes abandonnent totalement le hors-jeu sur les touches. À partir d’une certaine hauteur, elles sont toutes obligées de le faire.
En une touche
C’est le cas du PSG sur le premier cocktail molotov de Partey en direction de sa surface. Sur ce frisson, comme sur le suivant, on retrouve d’ailleurs un gros flottement au premier poteau côté Parisien, dans un rapport de force qui ressemble à celui que les Gunners installent sur corner.
C’est également le cas sur la touche suivante, qui va donner lieu à l’énorme occasion d’Ødegaard. Rafraichis par l’occasion de Martinelli, les Parisiens cherchent à être extrêmement compacts verticalement, et naturellement, ils ouvrent un peu d’espace pour frapper de l’entrée de la surface.
Sur ces deux séquences, le contrôle n’est pas non-plus une option pour l’équipe qui attaque. Disposant d’un certain angle pour finir, Ødegaard imprime un maximum de puissance, mais pas assez de précision pour battre Donnarumma.
L’Inter, avec son cœur du jeu Italo-Arméno-Turc possède trois artilleurs de choix from downtown, auxquels on peut adjoindre Di Marco, excellent volleyeur ou demi-volleyeur.
Face au Barça, dont on a vu les difficultés à passer de la remise en jeu au jeu en tant que tel, et qui partage avec Paris l’ambition d’une ligne défensive conquérante, l’Inter s’est créé trois énormes occasions sur des "rebonds offensifs", repris en un seul contact avec la balle par ses trois artilleurs.
Ce soir-là, les touches de Dumfries furent légèrement lobées. Et donc pas si profondes ou tendues, alors que Cubarsi et ses compères prennent leur précaution en reculant.
Sur le premier coup de chaud, Gerard Martin, qui doit dealer avec la présence menaçante et systématique de Bisseck (ou Pavard, donc) premier poteau, est surpris par ce ballon, plus court que prévu.
Son intervention façon snowboardeur revient illico sur Mkhitaryan. L’Arménien n’a qu’un appui pour volleyer, et tous ses collègues sont déjà remis hors-jeu par la ligne qui remonte.
Sa frappe, soudaine, ricoche et frôle le poteau opposé de Szczęsny, archi-battu.
Les mêmes causes produisent les mêmes conséquences sur l’énorme occasion de Çalhanoğlu à la 41e. A l’instar de Marquinhos (et de Neves sur l’occasion d’Ødegaard) Cubarsi dégage en extension et en déséquilibre le ballon plein axe, dragué qu’il est vers l’arrière par le recul forcé dont il fait l’objet.
Quand le cuir revient sur le Turc, il n’a également qu’un appui pour ajuster du gauche. On le voit (un peu difficilement sur le plan vertical ci-dessous), il bénéficie d’un certain angle pour croiser du gauche. Son tir, soudain, passe à quelques centimètres du poteau de Szczęsny, scotché sur ses appuis.
On voit sur le dernier plan que Cubarsi, tout comme Pacho sur la frappe d’Ødegaard, bouche en priorité le côté opposé du but, plus vaste pour laisser l’espace premier poteau, plus petit, au gardien, qui n’a pas vraiment de choix à faire.
Voir sans être vu
Ainsi, si les défenseurs sont en première ligne, mis à l’épreuve de l’exercice précaire du dégagement, le rôle des milieux de terrain axiaux est également crucial au moment de gérer les adversaires postés "à la ramasse" comme le seront Çalhanoğlu, Barella et Mkhitaryan à chaque touche interiste le 31 Mai. Et dans la tâche vitale qui est la leur, un enjeu représente leur talon d’Achille potentiel : leur champ de vision.
Pris en théorie par De Jong - alors que Bastoni cherche Thuram, attaquant opposé venu côté ballon, et qui mobilise le central opposé - Barella va se trouver à la réception de la remise du Guadeloupéen. Et pour cause, De Jong - dans un déplacement tout à fait naturel et sensé – se rapproche du Français pour lui chiper le cuir, alors qu’Inigo, selon le terme adéquat, le cadre.
La remise du genou de Thuram est dans la course de l’Italien, et le ballon conserve assez de vitesse pour rebondir. D’une demi-volée, un geste qu’il affectionne, Barella mitraille Szczęsny mais ne trouve pas l’angle pour battre le Polonais.
Un enjeu également crucial du démarquage de Martinelli, qui échappe totalement à la surveillance de Ruiz. On peut penser que Marquinhos et le groupe qui se précipite au premier poteau le fait aussi par incertitude de ce qui peut arriver de l’opposée pour couper la trajectoire.
Buteur spectaculaire sur une séquence similaire face à l’Atalanta en début de saison, l’Italien avait tablé sur la difficulté de dégager ces ogives, pour trouver un angle, échappant, en fuyant son champ de vision, à la surveillance de son vis-à-vis.
Gagne-terrain
On l’a vu tout au long de cette analyse, les touches sont indissociables du match en lui-même et du jeu dynamique. Et particulièrement d’un point de vue territorial.
Alors que l’Inter avait suffoqué au Camp Nou, il se devait de trouver les leviers pour remonter son bloc. Une tâche ardue face à un escadron ultra-vertical avec ballon, et prompt réenclencher immédiatement la marche avant. Les touches vont lui apporter une énorme bouffée d’oxygène à cet égard.
Sur un ballon perdu après un corner, Yamal va faire frissonner San Siro, alors que Raphinha est libre à l’opposé. Après une intervention précaire, Bisseck va se trouver face au jeu, sous la contre-pression du Barça, dans une situation où un ballon (re)perdu serait fatal.
Tandis que le Barça, compact verticalement et horizontalement, utilise - selon la formule consacrée - "la ligne de touche comme un coéquipier", les Interistes savaient, et sentaient, qu’en allant au large, ils pouvaient compter sur les touches obtenues pour remettre le ballon dans le dernier ¼ du terrain.
C’est ce qui va se passer via la touche longue de Dumfries : Le Néerlandais va chercher Thuram, qui cherche le penalty. Le Barça tente de redéclencher son pressing après avoir dégagé. À nouveau, l’Inter va contre-presser, vite jouer hors de la pression, et même réussir à la fendre, offrant à Barella une superbe occasion, qui casse le momentum catalan.
Alors que le Polonais calme le jeu, l’Inter reste haut et va – partiellement – récupérer le cuir. La défense Catalane, oppose à nouveau mécaniquement son alignement signature, après le ballon glané par les Interistes au cœur du jeu. Lucide, Di Marco trouve la bonne cible et bat le hors-jeu, mettant l’Inter sur les bons rails.
Avec des remises en jeu jouées au pied, et sur lesquelles le hors-jeu eut compté, il aurait été certainement, impossible à l’Inter de se défaire de l’abominable alliage de pressing et de jeu vertical mis en place par Flick.
Bastoni lastest via Instagram 🔥 (1/2)
— Inter Muse (@Inter_Muse) May 8, 2025
“Only now I'm starting to realize what an incredible feat we pulled off on Tuesday.”
And the shout-out to Lamine Yamal that have us a couple of headaches 😅
See you in Munich guys #ForzaInter 🐍 pic.twitter.com/V7Ne3l0eTJ
Au-delà du dégât que peuvent générer les touches longues à hauteur de la surface, celle jouées à mi-terrain ont représenté une réserve d’oxygène salvatrices, qui ont contribué à rééquilibrer le rapport de force territorial.
Face au PSG, vertical à sa façon, la possibilité d’utiliser leurs bras pour inverser les dynamiques négatives, sera, parmi les autres dont ils disposent, une arme - ou plutôt un bouclier - non-négligeable pour les Interistes.