Que vaut Illia Zabarnyi, priorité du PSG en défense centrale ?
Alors qu’Huijsen a rejoint le Real, et Kerkez Liverpool, un troisième élément du back4 des Cherries pourrait garnir les rangs d’un top européen en la personne d’Illia Zabarnyi. Le central ukrainien – sorte de Laurent Blanc des temps modernes – est indiscutable dans l’une des belles surprises de la dernière saison de PL. Élément-clé d’une équipe assez jumelle du PSG dans ses principes défensifs, on peut déjà établir les points forts et certains axes de progression du longiligne central droit, alors que la succession de Marquinhos est implicitement ouverte
Un contexte défensif analogue
Nous l’avions détaillé dans cet article, consacré aux idées défensives qu’Iraola met en pratique à Bournemouth : clair héritier de Bielsa, le Basque développe un modèle agressif et pro-actif, largement basé sur le marquage individuel. Et au sein duquel le duel pur est donc omniprésent. Bournemouth est d’ailleurs l’équipe qui comment le plus de fautes en PL.
Cela dit, le coach des Cherries se distingue de son illustre maître Jedi en injectant des parti-pris plus "zonaux" à son iconique calque de l’adversaire : Il s’émancipe du sempiternel "+1/-1" (les défenseurs de Bielsa sont toujours à trois contre deux, ou à deux contre un, alors que c’est l’inverse pour les offensifs, le reste de l’équipe se calquant sur le schéma du rival), et change allègrement de système défensif, tout en gardant l’ambition de presser tout-terrain.
Ainsi, même si ce n’est pas systématique, lorsque le pressing est déclenché, la paire Huijsen – Zabarnyi se retrouve souvent à deux contre deux face aux éléments les plus offensifs de l’opposition. Logiquement, et c’est une autre "évolution" post-bielsiste : l’alignement / la pratique du hors-jeu intervient : En plus des marquages serrés, on raccourcit le bloc en longueur dès que possible, pour mettre les auteurs de courses excessivement verticales en position illégale.
Bénéfice collectif de cette précarité relative pour la charnière à laquelle Zabarnyi appartient : Bournemouth s’organise pour maintenir 100% de la première adverse sous pression. D’une manière ou d’une autre.
À l’intérieur du jeu, on peut voir les centraux traquer leur adversaire direct, très loin et de façon extrêmement nette.
En revanche, au-delà du bloc défensif des framboises (dans la profondeur) - sauf urgence/nécessité (on va y revenir…) – l’ambition est donc de s’aligner, et ainsi ne pas subir le même sort que les équipes de Bielsa, dont la structure fut tant de fois écartelée en longueur par des adversaires malins.
Cette mutation du défenseur en milieu-chasseur n’est pas sans faire écho à l’approche du PSG face à Villa et surtout Arsenal, avec Hakimi en véritablement membre du cœur du jeu, mais également Marquinhos, Pacho et Nuno, astreints à la traque verticale de leur adversaire direct respectif, au cas où son marquage ne puisse pas être récupéré ou échangé.
C’était net face à Arsenal : l’alliage marquage + hors-jeu est également au programme au PSG. D’ailleurs, alors que leurs formules défensives respectives sont très proches, ironiquement, Luis Enrique a fait le chemin inverse de Iraola, partant lui d’une formule zonale, dans laquelle il a injecté un vraie dimension marquage individuel. Donnant lieu à ces déformations spectaculaires qui auront marqué l’épopée parisienne d’un point de vue tactique et défensif. Une tendance générale que nous notions dans ce catalogue tactique printemps-été 2025.
Toujours est-il que le nom de d’Illya Zabarnyi n’a pas été coché par hasard par le PSG, et que l’Ukrainien n’arrive pas en terrain inconnu sur le plan de l’organisation défensive. C’est un autre point qui compte dans l’analyse du joueur : il n’arrive pas non-plus d’un modèle archaïque, dans lequel son autonomie aurait fait la différence, et résolu des problèmes. Tactiquement, il évolue déjà dans une équipe bien mécanisée, et est en quelque sorte "protégé" de la précarité par une approche tactique et stratégique - malgré tout - léchée. Car dans cette organisation, en apparence suicidaire des Cherries, les mécanismes de couvertures mutuelles (y compris des milieux pour les défenseurs) sont extrêmement huilés. Et il faut bien dire qu’on peine à trouver un contre-effort iconique de l’Ukrainien dans la profondeur, dans un football où le chaos est plus souvent annulé préventivement que combattu dans des conditions extrêmes. Ce qui ne l’empêche pas d’être tout à fait opérationnel dans le domaine.
Anticipation, contre efforts et amplitude
Blessé en début de saison, Zabarnyi a vite retrouvé sa place aux côté d’Huijsen, et ne ratera que deux matchs, sur suspension, disputant 24 rencontres sur les 38 de PL, et pas une seule fois laissé de côté alors qu’il était disponible.
Avec cette formule défensive à la fois agressive et finement pensée, Bournemouth s’est distingué face aux gros, s’offrant notamment le scalp d’Arsenal par deux fois, de City, de United et de Newcastle, étrillé 4-1 à St James Park. Nécessairement, cette dimension mixte et complexe appelle pour la paire de centraux une capacité à contrôler non-seulement devant mais aussi derrière. L’engagement vers l’avant, pour suivre son adversaire direct qui décroche, ne peut être excessif et matérialisé par une agressivité totale, car il faut également donner le change vers son propre but (pas de "libéro" attitré), tout en gardant en tête que l’alignement doit aussi être produit, si possible. Des demandes élevées en termes de changement de direction, surtout pour les morphologies longilignes comme celle de l’Ukrainien, dont le buste est porté par deux massifs segments.
Cela dit, il convient de constater que – bien que proactive – cette formule est, dans une grande récurrence, uniquement dissuasive pour le porteur adverse. Ainsi, marquage ne veut pas systématiquement dire duel.
Au retour, à Londres (entre les deux matchs face au PSG), face à l’espèce de 3-3-4 d’Arteta, Iraola déploie une sorte de 4-1-3-2, à la fois ultra-compact latéralement, mais bel et bien calqué sur la densité intérieure des Gunners. En théorie, le 6 cherry est le seul à 1v2 face à Ødegaard et Rice. Bien entendu, il va recevoir le concours de ses centraux. Arteta fait du Arteta et, alors que les cherries ont déclenché un pressing total (le 6 suit clairement Ødegaard), Rice vient se proposer sur le couloir gauche, prompt à se retourner, alors que Saka et Martinelli se tiennent prêt à appuyer sur le champignon. Zabarnyi n’a pas le choix : c’est à lui de sortir sur le milieu anglais pour l’empêcher de se mettre face au jeu.
On remarque que, plutôt que de maintenir une distance de bras, et d’adopter une position plus fléchie, Zabarnyi reste assez droit pour coller son adversaire direct, jouant énormément de ses longs bras pour le pousser, dans le style assez véhément qui le caractérise.
Toujours est-il que l’Anglais peut remettre sur Lewis-Skelly, sous pression, mais assez libre pour solliciter Trossard, traqué quant à lui par Huijsen. Le Belge va retrouver Rice, désormais libre, face au jeu. Zabarnyi est alors bien obligé de regagner dans l’urgence la ligne défensive, alors que Kerkez, au marquage de Saka, est en train de pratiquer – sur un fil – le hors-jeu évoqué plus haut, pour contrarier le Londonien. Le colosse ukrainien doit alors donner le change sur quelques mètres, et – sans le faire de façon particulièrement spectaculaire - s’accommode de cette tâche vitale, alors que Rice peine à maitriser son ballon, gêné qu’il est par l’agressivité des cherries.
Une aptitude indispensable au PSG, qui prend, comme on l’a vu plus haut et tout au long de la saison, le même type de risque.
Lewis-Skelly turn and run 😮💨#UCL pic.twitter.com/SDbRrbL6ob
— UEFA Champions League (@ChampionsLeague) June 26, 2025
Dans l’ensemble, avec ses longues cannes, l’anticipation est plutôt une zone de confort pour l’ancien Dinamovets. Une fois que l’attaquant a "perdu sa vitesse", le piège se referme et Zabarnyi intervient souvent avec à propos. Bénéficiant de l’effet "pioche", et profitant de ces longues échasses pour bien prendre position entre le cuir et son adversaire directe.
Une morphologie et des préférences motrices ciblées ?
Cette posture haute au moment de charger le décrocheur adverse, probablement épluchée en amont par l’opposition, va ainsi conduire l’Ukrainien à une soirée très compliquée à Stamford Bridge, notamment face à l’habile jeu dos au but de Nico Jackson. Très adroit dans l’art du retardement, le Sénégalais va se jouer de l’agressivité – pas assez contenue – de Zabarnyi, habitué à énormément user de ses bras. Bien entendu, ce temps de contention, produit par le central, doit servir à la production d’une prise à deux ou à trois du joueur neutralisé dos au but. Agile et averti, Jackson va habilement laisser venir Cook (milieu défensif), pour escamoter la balle de la semelle, au nez à la barbe, non-seulement du milieu, mais aussi du défenseur…
Malmené par le Sénégalais, qui évoluait plutôt axe gauche, il va d’ailleurs changer de côté avec Huijsen à la pause, pour passer DC gauche.
On le voit sur ce duel cocasse, Zabarnyi a du mal à voir vite sur sa gauche. Cela entraine très souvent chez lui une forme de compensation : Probablement titulaire d’un œil moteur droit, Zabarnyi a une tendance nette à s’informer excessivement sur sa gauche. Si le porteur est à sa gauche – ce qui arrive souvent, puisqu’il joue DC droit, il n’ose pas lâcher le ballon des yeux, ne serait-ce qu’une seconde, pour regarder ce qui se passe sur sa droite.
Ce système de compensation est net sur ce but : Alors que les Londoniens ont vaincu les marquages cherry – ce qui est inévitable à ce niveau - trouvant Ødegaard hors de portée d’Huijsen, c’est le moment pour Zabarnyi de faire la différence – et de faire preuve de cette fameuse autonomie évoquée plus haut.
Pénalisé par cette anticipation excessive (il n’ose pas lâcher le ballon des yeux, pour surveiller furtivement Rice sur sa droite, et va essayer de compenser en s’orientant grossièrement), Zabarnyi est exécuté par la passe et l’appel croisé, et aura toutes les peines du monde à se tourner, à nouveau vers sa gauche.
Dans une situation similaire de déséquilibre partiel à Anfield - alors que le PSG était chancelant face aux déferlantes reds - Pacho avait eu "le cran" de s’aligner, avant que Paris ne se fasse mitrailler par Trent et ses partenaires.
Le genre de petites "fautes d’écart" que l’Ukrainien devra corriger pour se fondre dans le collectif parisien défensivement, au plus haut niveau européen.
Pourquoi pas DC gauche ?
En déroute face à Jackson, alors que Huijsen n’en menait pas non-plus large face à Madueke et Palmer, l’Ukrainien va d’ailleurs sensiblement corriger le tir en seconde mi-temps au poste de central gauche.
On le voit nettement sur la séquence ci-dessous : à l’instar de Sergio Ramos, dont l’œil droit est également le plus fort, il semble plus à l’aise au moment d’assurer son côté faible, le gauche, pour intervenir sur son côté fort : le droit. Un schéma plus réalisable en tant que DC gauche.
D’ailleurs, il a connu des fortunes diverses à droite face à des ailiers de débordements, et on peut noter un clair inconfort au moment d’ajuster sa position alors que la possibilité du débordement existe.
C’était très clair face à Gordon, malgré le succès cherry :
Ainsi, annoncé comme successeur/concurrent de Marquinhos à droite, ce choix n’est pas forcément ancré dans le marbre. Une disponibilité à gauche ne serait d’ailleurs pas de trop dans le contexte d’un interminable calendrier, alors que Beraldo a montré qu’il pouvait aussi jouer à droite.
Comme Pacho avant lui, l’Ukrainien a encore une belle marge pour atteindre le niveau des phases finales de la LDC. Le PSG de Lucho et Rafel Pol, qui a fait d’incroyables progrès à ce niveau entre l’automne et le printemps, est surement le cadre idoine pour les réaliser.