Real Madrid: Mbappe, pourquoi faire ?
La bombe est tombée hier soir : Kylian Mbappé va quitter le PSG à la fin de cette saison, comme les rumeurs le laissaient entendre depuis des mois. Alors que de plus en plus de sources confirment que Mbappé a choisi de rejoindre le Real Madrid l’année prochaine, une question légitime émerge : ce transfert a-t-il réellement du sens sur le plan sportif, tant l’harmonie collective du Real impressionne ?
Un transfert qui a toujours semblé inévitable. Kylian Mbappé sous le maillot merengue, présenté par Florentino Perez dans un Santiago Bernabeu en feu. Cette scène, on l’a tous déjà imaginée. La question était plutôt "quand" que "si". Mais ces derniers mois, le Real est devenu une machine de guerre, un collectif huilé autour d’un Jude Bellingham en feu (20 buts et 8 passes décisives en 29 matchs). Dans un tel contexte, il est tout à fait légitime de se demander si, sportivement, le Real a intérêt à ajouter à un tel tableau un joueur certes ultra talentueux, mais à l'ego tout aussi colossal et à l'investissement collectif discutable. Demandez aux dirigeants du PSG combien il est difficile de construire une équipe autour de Kylian Mbappe, Messi, Neymar, Verratti, Di Maria, tous ont eu le plus grand mal à faire gagner le PSG au plus haut niveau avec un joueur qui prend autant de place. Et Mbappé n’est pas du genre à s’effacer…
Un profil exigeant pour un collectif
Avoir Kylian Mbappé dans son effectif, c’est s’assurer de disposer du buteur le plus redouté du football mondial. Le capitaine des Bleus tourne à environ 40 buts par saison en club depuis 4 ans (et une dizaine de passes décisives en plus). Mais c’est aussi… le joueur de champ qui a parcouru le moins de kilomètres par 90 minutes en Ligue des champions cette saison (568e sur 570)*. Un chiffre tout simplement sidérant.
Ajoutons à cela qu’il a toujours rechigné à jouer en pointe. Les supporters parisiens se souviennent tous du fameux mois d'octobre 2022 : où après un début de saison collectivement étincelant avec Mbappe placé en tant qu’avant-centre, le natif de Bondy laissa transparaître son mécontentement quant à son positionnement à travers un post sur Instagram, déclenchant ainsi un feu médiatique. La polémique avait été telle que Christophe Galtier, alors entraîneur, avait dû repenser toute son animation pour le repositionner à gauche ou en deuxième attaquant, libre de repiquer.
Cette saison, pour éviter les tensions, Luis Enrique a commencé la saison en plaçant l'attaquant français sur son côté préféré (à gauche), avant de revoir totalement sa position après le match chaotique contre Newcastle au Parc des Princes, où le PSG était sur le point de subir une élimination embarrassante en phase de groupes de la Ligue des champions. Depuis ce fameux match du 28 novembre, Luis Enrique a systématiquement utilisé Mbappe comme attaquant, suggérant qu'il n'avait pas le choix face à l'absence de repli du numéro 7 parisien. En effet, dans le football actuel, il est difficile pour une équipe de performer avec un ailier qui ne défend pas. Ce changement tactique, qui doit certainement agacer Mbappe, explique peut-être aussi pourquoi les rumeurs de départ ont commencé à affluer à partir de ce moment-là...
Mais que fera Ancelotti dans un an ? Cette problématique a hanté tous les derniers entraîneurs du Français sans exception, de Tuchel à Luis Enrique en passant par Pochettino ou Galtier. Tous se sont lancés dans des contorsions tactiques pour pallier à la faible implication défensive du prodige français. Comme expliqué, Luis Enrique semble avoir décidé de passer outre ; l'entraîneur espagnol place en effet le collectif bien au-dessus de toute autre considération. Pochettino est celui qui a le mieux géré l'attaquant parisien et sous lequel Mbappe n'a jamais aussi bien performé individuellement. L'Argentin n'a pas hésité à compenser le déséquilibre de son équipe, causé par le profil de Mbappe, en l'entourant de joueurs plus travailleurs et dévoués.
La question est de savoir si Vinicius Jr. ou Bellingham sont prêts à accepter ce rôle ingrat pour faire briller Mbappe ?
Une guerre d’egos en perspective ?
L’histoire du sport est remplie d’équipes détruites par les egos, egos qui sont eux-mêmes souvent proportionnels au talent. Le Real regorge déjà de talents (et donc d’egos) : imaginez ajouter celui de Mbappé… Les tensions potentielles sont déjà évidentes le premier étant celui évoqué dans le paragraphe précédent : comment convaincre des joueurs comme Bellingham ou Vinicius Jr. de courir plus pour Mbappé ?
Lors de la dernière Coupe du monde, Didier Deschamps a construit une équipe (en écartant Benzema notamment) qui se rangerait comme des soldats derrière le commandant Mbappe. Cette saison, le PSG a laissé partir Messi, Neymar et Verratti pour tenter de reproduire la même recette : Des joueurs moins talentueux (donc à l'ego plus modeste) pour soutenir LA star. Mais le PSG ou l'équipe de France ne sont pas le grand Real Madrid, et Giroud ou Kolo Muani ne sont pas Vinicius Jr. ou Bellingham.
Le deuxième point de friction sera inévitablement le rôle de tireur de penalty. Grand buteur, Kylian Mbappe court après tous les buts, et les plus faciles à mettre sont ceux sur penalty. On a ainsi vu l'attaquant parisien se disputer avec Neymar la saison dernière lorsqu'il s'agissait de tirer un penalty. Le Brésilien, considéré par beaucoup comme le meilleur tireur de penalty au monde et tireur attitré du PSG depuis son arrivée en 2017, n'a pas apprécié que le jeune Kylian Mbappe lui prenne le ballon des mains. Comment les attaquants du Real vont-ils réagir si la situation se présente ?
Et puis, il y a ce fameux été 2022. Tout le monde annonçait la signature imminente de Mbappé au Real… avant que le joueur ne prolonge au PSG. Ce revirement a créé de l’amertume dans les rangs madrilènes, y compris chez certains joueurs. Des sources proches de l'ancien Ballon d'Or affirmaient même que c'est depuis ce moment que la relation entre Benzema et Mbappé s'est refroidie. Quid des autres Madrilènes ? Ont-ils quant à eux digéré cette volte-face ? Rien n’est moins sûr…
Au moins, avec Ancelotti, le Real dispose de l'entraîneur idéal pour gérer les problèmes d'ego. L'entraîneur italien, considéré par tous comme le meilleur manager d'équipe, aura en tout cas besoin de ses meilleures astuces pour éviter l'incendie dans le vestiaire du Real.
Les Galactiques, jamais deux sans trois ?
Un grand homme a dit un jour : "La vérité de demain se nourrit de l'erreur d'hier", on espère pour les supporters du Real que Florentino Perez connaît ce proverbe.
Par deux fois, le président espagnol a tenté de mettre en place un projet "Los Galacticos", et par deux fois, cela s'est soldé par un échec. L'empilement de joueurs de haut niveau n'a jamais été une garantie de succès sportif, et le PSG en sait quelque chose. Il existe un point d'équilibre où les bénéfices de l'accumulation de stars s'inversent. Qui aurait cru que le Real de Figo et Zidane, qui venait de remporter la Ligue des champions deux ans auparavant, se disloquerait en ajoutant Beckham et le grand Ronaldo (Luís Nazario de Lima), Ballon d'Or en titre ?
Pourtant, quelques années plus tard, en 2009, Florentino Perez a de nouveau tenté l'expérience en recrutant un duo Ballon d'Or composé de Cristiano Ronaldo et de Kaká associé à Benzema. Ce n'est que cinq ans plus tard, après le départ de Kaká et Özil et le recrutement moins spectaculaire de Modric et Di Maria, que le Real a enfin pu remporter la "Décima" à laquelle il aspirait depuis plus de dix ans. Qu'adviendra-t-il de la (future) troisième tentative de Florentino Perez ?
Alors que va-t-il se passer avec cette troisième tentative ? Construire une équipe, c’est chercher des profils complémentaires, équilibrer les egos. Bien sûr, l’effectif actuel du Real n’est pas parfait, il est effectivement indigne d'un tel club de n'avoir comme unique attaquant axial que Joselu. La question est plutôt de savoir si cette équipe du Real, demi-finaliste de la dernière édition de la Ligue des Champions et en passe de remporter LaLiga cette saison, sera plus forte sportivement et plus complémentaire avec Kylian Mbappe qu'elle ne le serait avec un joueur comme Osimhen ou Lautaro Martinez (deux autres noms qui reviennent très souvent depuis deux ans) ?
La partie cynique en nous aimerait tout de même voir un troisième épisode de "Los Galacticos", ne serait-ce que pour le divertissement que les deux premiers épisodes ont offert.
*Statistique disponible sur le site de l’UEFA, seuls les joueurs ayant disputé au moins 60 minutes ont été pris en compte.