Serge Gnabry, jamais fini, toujours fidèle
L'attaquant du Bayern, 30 ans désormais, connaît un regain de compétitivité avec la blessure de Jamal Musiala, habituellement titulaire derrière Harry Kane. Mais, contrairement aux apparences, et malgré une inconstance tenace, Serge Gnabry n'a jamais vraiment disparu.
« Il n'y a pas de secret : il joue ! » Lothar Matthäus, interrogé il y a quelques semaines sur le plateau de Sky90 – die Fussballdebatte, est on ne peut plus clair. Selon le champion du monde 1990, si Serge Gnabry enchaîne les performances depuis le début de la saison, la raison principale est toute trouvée : il est aligné régulièrement, ce qui génère du rythme, des sensations. Et donc nourrit son football. Celui d'un attaquant redoutable, mobile, vorace, instinctif, multiforme. À l'image du Bayern inarrêtable de ce début d'exercice. Son bilan comptable de trois buts et trois passes décisives en six journées est plus qu'honorable mais, au-delà des chiffres, le Souabe (il est né à Stuttgart) a retrouvé du flair en même temps que du temps de jeu. Et participe avec appétit à la démonstration collective bavaroise.
« Ça tourne, en ce moment », a répondu à Sky un Gnabry souriant mais un brin désemparé à la question de savoir quelles étaient les raisons de l'embellie. « L'entente collective est bonne », a-t-il ajouté. « Le jeu me procure beaucoup de plaisir. » Implicitement, on comprend qu'il n'en a pas toujours été ainsi. On pense en particulier aux périodes de blessure. On essaie de se souvenir d'un Gnabry aussi performant, ce qui laisse remonter à l'été 2020, au Portugal, lorsque l'ancien attaquant d'Hoffenheim inscrivait un doublé contre l'Olympique lyonnais en demi-finale d'une Ligue des champions remportée un peu plus tard par le Bayern. Depuis, il a enfilé le maillot n°7 porté avant lui par un certain Franck Ribéry. Sans, et c'est un euphémisme, être toujours aussi en vue que “der Filou”.
Petit effectif, gros temps de jeu
Question de manque de constance ? D'un niveau finalement limité à quelques fulgurances ? Allégations en trompe-l'oeil. Certes, Gnabry n'a pas empilé chaque saison des statistiques aussi généreuses que celles de 2020, où il avait été impliqué dans pas moins de 38 buts toutes compétitions confondues, dont 9 buts inscrits rien qu'en Ligue des champions. Le point commun avec l'automne 2025 ? Demandez à Lothar Matthäus. « J'avais beaucoup de rythme », confirme Gnabry. « Ces dernières années, malheureusement, plusieurs blessures l'ont brisé. En outre, avec des Leroy Sané et autre Kingsley Coman, il y avait une qualité dans l'équipe qui ne permettait pas d'accumuler autant de temps de jeu, et donc de rythme. » Les deux concurrents cités sont partis cet été, Thomas Müller également, l'élan de Jamal Musiala a été brisé par la masse de Gianluigi Donnarumma au Mondial des clubs, et Gnabry a vu la route s'ouvrir devant lui. La recrue Luis Diaz à gauche, le phénomène Michael Olise à droite, la machine Harry Kane en pointe, et Gnabry en soutien du trio infernal. Implacable.
Dans cette configuration, les excuses se dissipent. Difficile de se cacher derrière un coéquipier quand l'effectif du Bayern est si aminci. Gnabry joue. S'il n'est pas au top, ça va se voir. Si, comme en janvier 2023, il file à la Fashion Week un dimanche aussi. À moins qu'une telle chicane médiatique ne soit qu'un paravent : le reprocherait-on à Lamine Yamal ? Autrement dit, si Gnabry a été tant pointé du doigt à ce moment-là, c'est que ses performances, problématiques, ne permettaient pas de passer l'éponge. Que reprocher à un joueur qui commet un écart s'il inscrit un doublé le week-end suivant ?
Démoralisantes blessures
Pourtant, les chiffres sont têtus. Même si, c'est le moins que l'on puisse dire, il n'a pas toujours été le plus en vue, Gnabry a toujours marqué des points. La saison dernière, bien qu'il ait peu joué, entrant plus que jamais en cours de jeu, il a livré des performances honorables, peu lisibles dans les statistiques. Sur la dernière décennie, depuis ses débuts en 2016 au Werder, il y a toujours une ligne de stats flatteuse. Il marque moins ? Il lui faut moins de tirs pour scorer. Il joue moins en nombre de minutes ? Il participe à davantage de matches. Cette saison, un seul chiffre est le meilleur de sa carrière dans le championnat d'Allemagne : le nombre de minutes dont il a besoin pour délivrer une passe décisive. Sa meilleure moyenne au nombre de minutes pour marquer un but ? 2019-2020. Sa meilleure moyenne buts et passes confondues ? 2022-2023. Et ainsi de suite. Jamais, depuis dix ans, Serge Gnabry n'a disparu des colonnes.
Certes, l'ancien joueur du Werder a ses périodes au cours d'une saison. A aussi souffert son quota de blessures démoralisantes, telle cette déchirure musculaire à l'aube d'un championnat d'Europe à domicile. N'a pas toujours bénéficié d'une confiance infinie de son club, qui l'aurait volontiers exfiltré fut un temps pas si éloigné – il y a six mois – avant de se rétracter, opportunément, cet été. Depuis, il est pratiquement indispensable. L'entraîneur, en fin manager qu'il est, lui accorde sa confiance ; Gnabry la lui rend. « On le sent très libre », constate son pote Joshua Kimmich, cité par le bi-hebdomadaire kicker. Forcément un bienfait pour un attaquant polyvalent comme le jeune trentenaire. « Dans l'axe, j'ai un peu plus de place », confirme ce dernier.
Complémentarité décisive avec Harry Kane
Aligné au poste de meneur de jeu, Gnabry a trouvé avec Harry Kane une saisissante complicité. Le second décroche ? Le premier fonce en pointe. Et vice-versa. Olise s'invite dans l'axe ? Gnabry file sur l'aile. L'avantage d'une précieuse polyvalence que le Bayern apprécie particulièrement ces temps-ci. « Malgré une préparation raccourcie, on se trouve bien, même avec les nouveaux », savoure Gnabry, qui affirme ne rien avoir changé dans ses rituels d'avant ou d'après-match. Cet élan emmagasiné en club n'a en tout cas pas échappé au sélectionneur, qui a besoin d'attaquants réalistes au milieu des artistes du ballon tel Florian Wirtz et qui, par ailleurs, le faisait jouer n°10 lorsqu'il était son coach à Hoffenheim. Le chemin de Gnabry en sélection a été tortueux, particulièrement inconstant, plombé tantôt par les blessures, tantôt par une apparente nonchalance. Mais trimballé d'un poste à l'autre, il a toujours montré le bout du nez à un moment ou à un autre, même quand sa carrière internationale semblait aux oubliettes.
« C'est un joueur sous-estimé, qui n'a guère de faiblesse », estime Vincent Kompany. De fait, seule une petite vingtaine de joueurs restent devant lui dans l'histoire des buteurs du Bayern. Le club le prolongera-t-il ? « Naguère, si l'on en croit les médias, il était à vendre, maintenant il est question d'une prolongation de contrat... », a grommelé il y a quelques semaines le directeur sportif Christoph Freund en conférence de presse. Exprimant par là le souhait des dirigeants bavarois de prendre leur temps pour se décider. Avec l'espoir que le courant alternatif se transforme en courant continu, Ligue des champions et Coupe du monde 2026 incluses.