Werner ou les souffrances du Werder
Le Werder Brême, qui aspire impatiemment à retrouver l'Europe, disposait avec Ole Werner d'un entraîneur aux conceptions footballistiques parfaitement conformes à l'époque. La décision de s'en séparer sous prétexte qu'il refusait de prolonger ouvre une nouvelle période d'incertitude dans la Hanse.
C'était trop beau. Un entraîneur viscéralement dans l'esprit hanséatique – il est né au sud-est de Kiel et son humour subtil, typique du nord, ne laisse pas la place au doute –, proposant un football équilibré entre la stabilité et l'offensive, flirtant avec l'Europe sur la scène de laquelle le Werder aspire tant à revenir : Ole Werner “matchait” avec l'environnement vert et blanc. Las, après trois ans et demi de bons et loyaux services, l'homme à la casquette avait pris sa décision : il serait volontiers allé au bout mais ne prolongerait pas au-delà du terme de son contrat, en 2026. Prenant acte de cette perspective, le SVW, qui veut voir à plus long terme, a précipité la séparation.
L'un des nerfs de la tension entre le coach et le club est la gestion et peut-être surtout la destinée de Nick Woltemade, l'avant-centre dont tout le monde parle ces jours-ci en Allemagne. L'attaquant de Stuttgart, vainqueur de la Coupe et qui vient d'être appelé par le sélectionneur Julian Nagelsmann en prévision de la demi-finale de la Ligue des Nations, ce mercredi soir contre le Portugal, a quitté le Werder libre l'été dernier. Une trajectoire d'autant plus ballote du point de vue des Vert et Blanc que le joueur de 23 ans, fan du Werder depuis l'enfance, y a été formé, a été prêté pour s'aguerrir et n'a finalement pas rapporté un centime au club.
Une confiance limitée en la jeunesse
Il est indiscutable qu'Ole Werner, tout au long de son bail dans la région de Till L'Espiègle – dont il pourrait éventuellement se réclamer –, a fait progresser sa troupe. Le technicien de 37 ans n'en a pas moins traîné un reproche tenace : accorder sa confiance aux jeunes n'est pas son truc, au moins dans son onze de départ. Un grief d'une certaine mauvaise foi : avec comme mission immédiate de ramener le Werder en Coupe d'Europe, son entraîneur vivait dans le présent. Or, aussi talentueuse soit-elle, la jeunesse est plutôt un gage pour le futur. De fait, Werner n'a pas compté sur Woltemade, ce que les deux parties considèrent visiblement comme impardonnable.
Ce dossier est le symbole, sinon la preuve, que la conduite d'un club assis sur une telle tradition que le Werder n'est pas chose facile. À Brême, les “traditionalistes” jouissent d'une profonde influence et, palmarès du club aidant, l'impatience est grande. Et sans doute excessive : comme n'a pas manqué de le rappeler Ole Werner récemment encore, le budget du SVW se situe plutôt dans le tiers inférieur de la Bundesliga, alors que les tickets pour l'Europe s'arrachent, par définition, dans le tiers supérieur.
Steffen, un vieux routier
Les dirigeants brémois ont donc écarté leur entraîneur et fait appel, moyennant une indemnité d'environ 300 000 francs, à Horst Steffen, 56 ans, qui vient de manquer de peu une sensationnelle montée en Bundesliga avec Elversberg. Et qui s'attaque à son tour à une mission compliquée : poursuivre le même objectif que son prédécesseur. Steffen, qui a paraphé un contrat courant jusqu'en 2028, a l'avantage d'être expérimenté – à des niveaux inférieurs, cependant – et le Werder espère s'épargner une trop longue période d'acclimatation tout en s'efforçant, donc, de regarder l'horizon. Pour résoudre l'équation, l'ancien entraîneur de Chemnitz, qui jouit d'une image de découvreur et développeur de talents, peut, d'ici la reprise, méditer sur deux éléments purement factuels : d'une part, Nick Woltemade vaut désormais 40 millions de francs ; d'autre part, les moins de 19 ans du Werder viennent de remporter la Coupe d'Allemagne.