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Analyse Football

Le BVB de Terzic : l’adaptation permanente

victor

Qualifié pour les demi-finales de la Champions League, malgré une saison en demi-teinte, certainement hors du top 4 de Bundesliga, le Borussia d’Edin Terzic présente un profil atypique. Plus prompts à détruire le modèle de jeu adverse qu’à imposer le leur, les Borussen – sortis en tête du groupe de la mort, et qualifiés après 5 journées – sont l’archétype cynique, disgracieux et nécessairement impopulaire de l’équipe de Coupe, toujours capable de sortir du chapeau un plan adéquat face à un adversaire supposé plus fort. Donnant à la saison du BVB une asymétrie remarquable, entre la décevante 5e place en BuLi et la brillante demi en C1.

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Wird es Edin Terzic gelingen, die Pläne von Luis Enrique zu durchkreuzen? © IMAGO / PanoramiC

Qui peut se vanter d’être invaincu face au Bayer Leverkusen cette année sur deux matchs ? Deux fois en ayant mené, deux fois rejoint dans les ultimes instants de la rencontre ? Pas grand monde. D’ailleurs, les rotations pratiquées par Xabi Alonso au retour (Wirtz et Boniface sur le banc) trahissent certainement les enseignements tirés par le technicien espagnol sur l’aller, maitrisé par un BVB qui avait marqué individuellement les deux meneurs de jeu du B04, comme nous l'avions détaillé, dans la troisième partie de cet article.

Avec des approches, des rythmes, des schémas, et des animations totalement distincts, le BVB est sorti vainqueur de la majorité de ses affrontements contre des équipes de son calibre voire de calibre supérieur cette saison, et dépit de failles structurelles indéniables.

Newcastle : le coup de maître décisif de Terzic

Avec seulement un petit point après deux journées de Ligue des Champions, le Borussia se présentait à St James Park pour la troisième journée avec l’obligation de ramener un résultat, face à une équipe qui venait d’étriller le PSG 4-1 (City et Arsenal également battu dans la même période) dans son style caractéristique : un jeu vertical et tranchant, basé sur une grosse densité axiale, avec une grosse utilisation du jeu long, et des coups de pieds arrêtés redoutables. 

Malgré une entame un peu folle – comme pour rappeler que le turbulent Borussia ne rend jamais une copie parfaite – les jaunes et noirs vont climatiser la rencontre, face à une équipe qui ne s’épanouit que sur un rythme élevé et dans lequel le ballon va d’un but à l’autre du terrain.

Un premier temps chaud aura valeur d’avertissement, mais peu à peu, que ce soit dans l’utilisation du ballon, ou dans la façon de réagir à la perte (couvrir / protéger le but, plutôt que se jeter) Emre Can, positionné devant la défense du Borussia, va offrir une sécurité particulièrement précieuse dans le contexte vertical de Newcastle, faisant parler toute son expérience. L’Allemand est l’un des symboles de la plasticité de Terzic. Après sa sortie sur blessure, Salih Ozcan prendra le relai exactement dans le même registre.

En face, Bruno Guimares (base du triangle de Newcastle au milieu) est de plus en plus attiré vers l’avant au fil des minutes. Son rôle se situe entre le 6 et le 8, et il a l’habitude d’accompagner – juste ce qu’il faut – les contre-attaques de son équipe. Le Borussia va alors exploiter la dimension légèrement trop offensive de son rôle et tuer Newcastle en contre à deux reprises, décrochant la victoire à la surprise générale.

Sur trois séquences, la récurrence dans les partis-pris de Dortmund ne laissent pas de doute : ils savaient tout de l’adversaire :

D’abord à la 9e minute :

1 - 0856 1
Touche pour le BVB : Marius Wolf cherche Reus dos au but (orange) on remarque (bleu cyan) que le trident Joelinton – Bruno – Longstaff se tient prêt à agresser individuellement le trio du BVB (Can – Nmecha – Sabitzer). Phase défensive pour Newcastle.
2 -0859 1
La densité et l’agressivité de Newcastle fonctionnent : Joelinton gagne son duel avec Nmecha après la remise sous pression de Reus. Transition offensive de Newcastle. Et projections malheureuses…
3 - 0900 1
Longstaff se retrouve face au jeu. On remarque que Bruno (pourtant 6) se projette au sprint, tout comme Trippier. L’attitude de Hummels et Schlotterbeck, mais surtout celle de Can, contrastent avec celle de leurs adversaires : ils ne vont pas se jeter et bien contrôler la profondeur.
4 - GIF emre can
Plutôt que d’attaquer le porteur, Can ne se jette pas, et calque sa course. Hummels et Schlotterbeck gardent également contrôle d’Isak et Almiron. Longstaff tergiverse, et Can le pique au bon moment pour récupérer.
5 -sabitzer transi de la transi
Sabitzer peut se se tourner après l’interception et attaquer le but. On peut parler de transition de la transition, ou de double-transition. On remarque que Bruno et Trippier paient leur projection imprudente après la récupération. 2e élément : En orange, on voit l’habitude de Newcastle de s’aligner, plutôt que de contrôler les courses vers le but.
6 ordre schaer
La communication non-verbale de Schär est claire : il demande à Burn de s’aligner, tout en contrôlant Füllkrug (justement car NUFC s’aligne). La ligne qui se crée va reculer avec la balle, mais en gardant cette dimension « zone » et alignement, dont Malen est sans doute parfaitement informé, comme ses collègues.
7 - malen passe commande
Hors du champ de vision de Burn, Malen ralentit sa course, alors que Reus travaille aussi avec sa course pour faire reculer cette défense qui s’aligne. Le Néerlandais passe commande et réceptionne, en position idéale pour finir. Bien entendu, Bruno Guimares est bien loin de pouvoir aider sa défense.
8 - malen allume pope
Malen allume Pope à bout portant : le plan fonctionne

Le but de Nmecha à la 43e décrit la même stratégie, dans laquelle Bruno Guimares est clairement ciblé par Dortmund à la différence que ce but part d’une attaque rapide, et non d’une contre-attaque de Newcastle :

9 - newcastle contre 1 0 1
Intervention typique de Schlotterbeck après une attaque rapide contenue. On voit (entourés en vert) la priorité des Allemands dans ces moments précaires : contrôler la profondeur. Elle contraste net avec celle des Anglais (entourés en rouge) qui se laissent aspirer.

Ça ne saute pas forcément aux yeux, mais Bruno est trop haut pour aider si le ballon est perdu, et de toute façon clairement orienté vers l’avant, comme Joelinton et Longstaff

10 - 1 0 nufc 1
L’interception sera fatale, et on retrouve la même action récitée : Füllkrug et (cette fois-ci) Malen qui font reculer la défense qui s’aligne.
11 - 1 0 nufc 2
Le passeur (Schlotterbeck himself), qui feinte le centre vers les "étireurs"...
12 - 1 0 nufc 3
…avant de donner en retrait à Nmecha, venu se proposer dans une zone qui aurait dû être celle de Bruno, pour exécuter la sentence. 1-0, 3 points.

Quand on fait le bilan, on constate que deux caractéristiques – objectives, ou intrinsèques -, et pas nécessairement négatives – de l’adversaire, à savoir un 6 un peu haut et une défense qui s’aligne quand elle court vers son but, ont été parfaitement intégrées au plan de match (et non de jeu) du BVB, avec, à la surprise générale, la victoire au bout.

Au retour, c’est une autre caractéristique de Newcastle (un 4-5-1 assez passif et zonale en phase de repli) qui sera exploité par Dortmund pour faire ce que ni Paris, ni Milan, ni Arsenal, ni bien d’autres n’ont fait : prendre 6 points aux Magpies.

 

L’Atleti étouffée

L’Atletico a choqué l’Europe en sortant l’Inter, malgré une première manche où les hommes d’Inzaghi ont offert un récital de domination territoriale et de transition défensive, face au 5-3-2/5-4-1 vicieux et réactif du Cholo. Le retour, arraché aux tirs but, semblait ouvrir la voie des demies aux Espagnols. C’était sans compter sur la capacité d’adaptation et de gestion des hommes de Terzic.

 

Le problème pour les adversaires européens du BVB : ils ne jouent pas contre Dortmund, ou du moins contre le Dortmund qui n’arrive pas à battre Heidenheim ou Mayence. Ils jouent une deuxième fois contre l’adversaire qui leur a posé le plus de problèmes dans les semaines précédentes. Dortmund change de peau, et reproduit les circonstances qui ont (déjà, auparavant) crée les conditions de l’inconfort de leurs adversaires.

 

À San Siro, l’Inter avait mis en lumière les difficultés du 5-4-1 / 5-3-2 de l’Atletico qui recule (en bloc bas et avec une défense flottante) à gérer les projections massives des milieux et attaquants adverses dans l’axe, comme à trouver une cible crédible et imprévisible (Griezmann) à la sortie de ces temps de jeu défensifs pénibles.

13 - inter atleti 1
14 - INTER SETUP ATLETI 1
L’organisation offensive très "liquide" de l’Inter face au 5-4-1 de l’Atleti. Le parti-pris d’Inzaghi est clair en mettant Mkhitaryan, Martinez, Pavard et Thuram entre les lignes espagnoles, e plus de Darmian et Di Marco qui attaquent la profondeur : il veut étouffer un bloc qui ne les met jamais hors-jeu et recule inlassablement.

Avec Calhanoglu déjà au contact de Griezmann (voir la capture ci-dessus), et de Vrij en couverture, si marquer est difficile pour l’Inter (qui y parviendra finalement en transition), contre-attaquer l’est encore plus pour l’Atletico, dont chaque joueur est fixé / attiré vers le bas, comme l’indiquent les flèches ci-dessus.

15 - 2259 1
Récupération précaire après un temps de jeu défensif très bas de l’Atletico les 3 options courtes immédiates de De Paul sont annulées préventivement par l’Inter, et il n’y a pas d’option longue. On remarque à droite que la défense des Espagnols passe en mode « accordéon » pour contrôler la profondeur
16 - 2244 1
Quelques secondes plus tôt on remarque à travers Di Marco que l’Inter cherche à "faire sortir" Witsel de sa zone, que ce soit vers l’avant ou le côté. Même chose avec Hermoso, qui sera souvent fixé par Pavard.

Quel qu’il soit, un Intériste gardait le contrôle de Griezmann, alors que l’organisation de l’équipe et les projections en nombre faisaient flotter la ligne de 5, ouvrant l’espace entre elle et le milieu. À défaut, le milieu reculait, rendant encore plus hypothétique la transition offensive de l’Atletico.

 

En bon caméléon, Terzic va faire en sorte que les mêmes causes créent les mêmes effets. À l’aller, le 4-3-3 – à priori banal et stéréotypé du coach allemand, occupe l’espace d’une façon similaire à l’Inter. Adeyemi et Sancho (comme Darmian et Di Marco) étirent à souhait la défense à 5, tout en s’offrant l’option d’attaquer la surface. Autour de Füllkrug, ce sont les deux relayeurs Nmecha et Sabitzer qui tente de menacer (et de faire sortir/bouger) Azpi et Witsel, autour de Gimenez.

17 - 2930 1
Le 4-1-5 / 2-3-5 de Terzic face au 5-4-1 / 5-3-2 du Cholo. Nmecha s’enquit de la position de Witsel, on devine que la consigne est de le faire sortir, comme Mkhitaryan, Pavard et les autres avant lui.
18 - gauche droite sabitzer nmecha
Gauche : Quand Hummels lève la tête, Nmecha (MC gauche) envoie pour faire reculer la défense. Droite : Après quelques circulations latérales (appelées énergiquement par Sancho), c’est autour de Sabitzer (qui fait sortir dans un premier temps Azpi) d’envoyer une course vers le but

Dortmund va répéter ce plan, qui va payer en fin de match, à deux reprises. D’abord sur le but d’Haller (80e), où l’élément payant est clairement la tendance à reculer de la défense des Colchos.

19 - 8034 1
L’Atleti confrontée aux mêmes problèmes que face à l’Inter sur le but décisif de Haller : les multiples courses et décrochages perturbent l’alignement des Colchos et les rendent vulnérables face au jeu direct, tout en créant de l’espace devant le "back 3"
20 - schlotti temps
Schlotti prend son temps, calquant le tempo de l’Inter face à un bloc qu’il convient de pétrir sur la durée. De l’autre côté du terrain, on voit que la confusion règne entre Witsel (qui veut aligner) et les autres DC (qui contrôlent les courses)
21 - 8044 RYERSON 1
Après un court circuit, le ballon va chez Ryerson. A l’instar de l’Inter, Dortmund densifie à nouveau l’espace entre la défense à 5 et le milieu, sur un rythme similaire aux Italiens. Malgré l’urgence de la situation.
22 - 8049 1
Le Norvégien va même feinter la passe vers cette zone du terrain, avant de retourner chez Emre Can. Emre Can trouve la passe qui tue, et le jeu en remise fait la différence, par un Sabitzer en pleine forme
23 - 8051 1
Sabitzer dévie pour Brandt, alors que – à la manière de Di Marco ou Darmian – Ryerson s’insère dans l’interligne. C’en est trop pour le "back 5" de l’Atleti, déjà étiré par Sancho et Bynoe-Gitens, et nécessairement incapable d’opérer les couvertures mutuelles.

Brandt ajustera et Haller finira en puissance :

 D’ailleurs, la tête sur la barre de Brandt à la 95e se fera sur le même modèle de création d’espace.

Le match retour verra l’Atletico tenter de remonter sa ligne défensive, mais sans succès. Un succès tactique dans la mesure où le Borussia, en reproduisant les failles vues face à l’Inter, a forcé l’Atleti à faire ce qu’elle ne sait pas faire. Et de toute évidence, les incertitudes défensives l’ancien Borussen Witsel furent ultra-ciblées par Dortmund d’un point de vue offensif.

24 - 7037 1
Witsel tente de sortir, alors que la défense de l’Atleti est déformée par Gimenez et Sabitzer, qui pique en diagonale
25 - centre gauche sabitzer
L’Autrichien actuellement "on fire" réussit à centrer du gauche en bout de course, et l’expérimenté attaquant – déjà précieux dans le jeu en remise – fait parler son jeu de tête pour relancer le Borussia

Un nouveau miracle ?

Milan, le Bayern, Leverkusen, l’Atletico, Newcastle, et bien d’autres sont autant d’équipes face auxquelles le Borussia a montré son adaptabilité tactique.

Il convient de préciser que dans un premier temps, l’Atletico presse en 4-4-2, avec Samuel Lino milieu gauche. L’Inter – certainement supérieur à Dortmund en terme de modèle – n’avait fait qu’une bouchée de ce premier pressing, déroulant son plan face au bloc bas. Dortmund ne peut en dire autant, et revendique des pertes de balle grossière, qui explique ce score riche de 5-4 sur l’ensemble des deux matchs. Comme PSG – Barça du reste…

Mais au-delà de l’aspect collectif – avec un effectif riche et dense – le Borussia peut aussi faire parler ses individualités, à commencer par Schlotterbeck, dont les tacles et les interceptions font merveilles, et qui réalise une saison majuscule. Au milieu, Sabitzer retrouve son meilleur niveau, et son ambidextrie a fait mouche face à l’Atleti, avec un but et une passe décisive du pied gauche. Assez pour (re)faire le poids face à un PSG que le BVB connait déjà, et qu’il aura sans doute (re)étudier sur le bout des doigts ?

Réponse mercredi soir, dans un match aller déjà décisif, où le Borussia devra absolument faire une première différence nette pour espérer surprendre à nouveau le continent en atteignant une 3e finale dans la plus belle des compétitions.

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