Nick Woltemade, le sauveur de l'Allemagne
Son transfert de Stuttgart à Newcastle a propulsé le grand attaquant international sous les projecteurs médiatiques mais Nick Woltemade, buteur contre le Luxembourg puis la Slovaquie ces derniers jours, a sorti sa sélection d'une situation délicate sans stress apparent.
Auteur d'un doublé décisif au Luxembourg le 14 novembre dans un match mal emmanché (2-0), puis d'une ouverture du score en forme de soulagement trois jours plus tard à Leipzig contre la Slovaquie (6-0), l'attaquant de Newcastle Nick Woltemade a sauvé l'équipe nationale allemande d'un tortueux chemin de barrage en l'envoyant directement au Mondial. Ce grand escogriffe d'1,98 m est une attraction, un phénomène plein de paradoxes, mais avant tout l'homme qu'il fallait au moment qu'il fallait. Certains indices laissaient entrevoir son éclosion, pas au point d'en faire le choix n°1 au poste d'avant-centre de la Mannschaft pour autant.
“Big Nick” aurait pu quitter le Bade-Wurtemberg pour 100 millions de francs. C'est la somme qui circulait en juillet dans l'entourage du VfB Stuttgart alors que le Bayern avait manifesté son intérêt dès février, puis par l'intermédiaire de Vincent Kompany lui-même au début de l'été. En l'espace de quelques semaines, le grand attaquant de 22 ans (à l'époque), peu considéré jusque là, était devenu indispensable chez les Souabes. Il tirait son club vers le haut, en l'occurrence la Coupe d'Allemagne, remportée en mai, débutait sa carrière internationale avec la sélection et marquait l'Euro des moins de 21 ans de son empreinte – pointure 46 – avec la bagatelle de 6 buts et trois passes décisives en 5 matches. Une seconde partie de saison monumentale, en somme, que la première laissait peu présager.
Mise en route à Brême
Mais le printemps écoulé, le prix avait flambé en même temps que les performances. Parti de Brême en 2024 pour pas un centime, Woltemade avait mis en mouvement sa carcasse de près de deux mètres. Intelligence de jeu, qualités de finition et mental de champion étaient alors apparus en pleine lumière, provoquant inévitablement l'intérêt du grand voisin bavarois. Le jeune homme sympa et tranquille du banc de touche était devenu "Woltemessi" et "GOATemade" dans la bouche des commentateurs, propulsé au centre de l'attention des recruteurs du continent tout entier. Profitant des rapports laborieux entre les deux grands clubs du sud de l'Allemagne, Newcastle allait rafler le bonhomme en misant quelque 80 millions de francs.
Ses débuts comme titulaire à Stuttgart dataient de fin 2024, contre Bochum (2-0). Ce jour-là, sa prestation derrière l'attaquant de pointe est tout ce qu'il y a de plus quelconque et il faut de bons yeux pour prévoir le décollage imminent. Pourtant, le jeune homme ne débarquait pas de nulle part. Dès les U15 du Werder, comme le raconte l'ancien entraîneur de l'équipe professionnelle Florian Kohfeldt au bi-hebdomadaire kicker, Woltemade « domine les autres par la taille mais se démarque surtout par ses qualités avec le ballon ». À 16 ans, il s'entraîne avec les pros et, à 17 ans, dispute son premier match avec l'équipe première, le 1er février 2020, comme titulaire sur l'aile droite. Il n'a pas encore le niveau pour la Bundesliga et apparaîtra comme remplaçant dans une poignée de matches de fin de saison.
Attitude volontariste
Le grand échalas manque encore de volume. Depuis, il a progressé dos au but, dans le pressing et dans l'aspect défensif en général. Mais déjà à l'époque, Kohfeldt croit en lui, en son potentiel, et lui offre du temps de jeu avec conviction. « Ce qu'il savait faire avec le ballon était déjà exceptionnel », se souvient-il. « Tout le reste, il pouvait l'acquérir. » Ça tombe bien : Woltemade est du style bosseur depuis toujours, pas de ceux qui se reposent sur leur talent pur. Combinées à un caractère extrêmement positif, ces qualités ont fait du grand blond, aussi bien à Brême qu'à Stuttgart, un excellent camarade de vestiaire, apprécié, reconnu et respecté, indépendamment de son statut dans l'équipe.
À l'aise avec le ballon, Woltemade donne diverses options à ses entraîneurs, occupant chaque poste avec le même enthousiasme. À Stuttgart, il pouvait évoluer milieu offensif axial ou attaquant. « Son professionnalisme est total », jugeait son directeur sportif Fabian Wohlgemuth la saison passée, « il est toujours à 100% à l'entraînement, sait être patient et s'engage à fond quand on lui donne sa chance ». Pourquoi, dès lors, ne pas l'avoir inscrit en Ligue des champions ? Rétrospectivement, les responsables du VfB ont commis là une drôle d'erreur, vécue comme une humiliation par l'intéressé même s'il ne s'en est pas ouvert publiquement. Un point de discorde qui a très certainement alimenté le refus de Woltemade de prolonger son contrat à Stuttgart.
Bénéfique pige à Elversberg
Une forme de gâchis, qui rappelle un peu celui de Brême. Né dans la cité hanséatique, dont il a la fameuse clef tatouée sur le bras, Woltemade y découvre certes la Bundesliga mais ses dirigeants n'exploitent son potentiel ni sportivement, ni financièrement. Ils préfèreront le prêter. Le garçon est souvent remplaçant et son positionnement, trop loin du but, n'offre guère de rendement. Direction donc Elversberg, dans la Sarre, qui vient de monter en 3e division en 2022 et dont les dirigeants s'intéressaient au futur international depuis un an déjà. L'épisode sarrois sera décisif pour le décollage de la carrière du bonhomme, qui emmène le club en 2e division et emporte l'adhésion de tous, terminant la saison meilleur joueur du championnat. Toutes ses qualités humaines d'engagement, d'enthousiasme et de bienveillance s'expriment déjà.
Près de la frontière française, Woltemade, arrivé au dernier moment, met quelques semaines à s'acclimater puis devient la locomotive de l'équipe. Rebelote à Stuttgart, deux ans plus tard, où son cheminement s'accélère brutalement à partir de la 11e journée. Le VfB est affaibli par les blessures, le grand blond saisit sa chance et la fusée décolle. Le déficit de rendement que l'attaquant avait à Brême est comblé, après quelques tâtonnements, avec un sens tactique certain par Sebastian Hoeness. De deux petits buts en 51 matches avec le Werder, qui n'a pas su négocier à temps pour le conserver, Woltemade passe à un but tous les deux matches avec Stuttgart. Il renverse des parties à lui tout seul, enfile but sur but et empile les passes décisives. Les retours de blessure, notamment d'Undav, n'y changent rien : "Big Nick" est désormais incontournable.
Regrets dans la Hanse
Les Brêmois, évidemment, s'en mordent les doigts. Un après avoir laissé filé le phénomène gratuitement, ils observent celui-ci s'envoler pour l'Angleterre moyennant une somme gigantesque. « Nous lui avons fait une très, très belle offre », tente de se justifier l'entraîneur du Werder, Ole Werner, après coup. « Nous l'aurions bien conservé, nous avons tout fait pour, mais nous n'y sommes pas parvenus », grince de son côté le directeur sportif Clemens Fritz. Stuttgart, lui, a su monnayer sa pépite, même si son entraîneur avait fait du maintien de sa star dans l'effectif la condition à sa propre prolongation de contrat et a dû avaler la couleuvre de son départ.
Tout le monde l'attendait à Munich, du moins lui-même avait-il annoncé vouloir y poursuivre sa carrière, avant de surprendre tout le monde et de filer en Angleterre. Le Bayern lui aurait permis de quadrupler son salaire mais n'était pas prêt à aligner la somme prétendument exigée par le voisin souabe. Le début de saison record du champion d'Allemagne a sans doute dissipé tout regret d'avoir manqué le transfert, tandis que de l'autre côté de la Manche, Woltemade est en train de prouver une fois encore, après Elversberg et Stuttgart, qu'il a su faire un choix constructif. Son équipe nationale, tout particulièrement depuis les deux derniers matches qualificatifs pour le Mondial, l'en remercie elle aussi. Nul doute que le sélectionneur pense fortement à lui pour l'été prochain.